BerneAide sociale: encore un tour de vis aux étrangers
La proposition du Département de justice et police d’introduire une aide sociale plus basse pour les étrangers venant d’États tiers que pour «les autochtones» fait bondir l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière.
- par
- Eric Felley
Dans le cadre d’un projet de révision de la loi sur les étrangers et l’intégration, le Conseil fédéral propose de réduire l’aide sociale aux ressortissants d’États tiers (ceux de l’Union européenne ne sont pas concernés). Il propose que «pendant les trois premières années suivant l’octroi d’une autorisation de séjour de courte durée ou d’un permis de séjour, le taux de l’aide sociale soit inférieur à celui appliqué à la population autochtone».
Préférence nationale
Ce projet, qui vient du Département de justice et police de Karin Keller-Sutter, est en phase de consultation jusqu’au 3 mai et sera présenté au Parlement en temps voulu. Le Conseil fédéral introduit ainsi une forme de préférence nationale dans l’aide sociale, dont les montants sont déjà très faibles. En effet, en fonction des cantons, cette aide varie de quelque 600 francs à 1000 francs au maximum.
Une mesure qui touche les plus vulnérables
Cette proposition a fait réagir mercredi l’Œuvre suisse pour l’entraide ouvrière (OSEO). Caroline Morel, responsable du Secrétariat national de l’organisation explique: «Dans l’aide sociale, le montant des prestations de soutien est calculé en fonction des besoins et non de la durée du séjour en Suisse. Une réduction de l’aide sociale entrave une véritable intégration sociale et professionnelle. Il est d’ores et déjà clair que ces durcissements toucheront en premier lieu les personnes vulnérables comme les enfants, les personnes ayant des besoins particuliers et les femmes».
«La pauvreté n’est pas un crime»
Cette nouvelle proposition du Conseil fédéral vient s’ajouter au problème de la menace qui plane sur les étrangers de perdre leur droit de séjour s’ils demandent l’aide sociale. En 2021, une alliance des partis de gauche d’organisations non gouvernementales a mené une campagne sous le titre: «La pauvreté n’est pas un crime» pour dénoncer le mécanisme de renvoi des étrangers qui toucheraient l’aide sociale. Depuis l’entrée en vigueur de la modification de loi sur les étrangers et l’intégration (LEI) en janvier 2019, même les personnes qui sont nées en Suisse et y ont grandi courent ce risque, qui varie en fonction des cantons. Pour la conseillère nationale Ada Marra (PS/VD): «Cela a évidemment un effet dissuasif avec des conséquences graves: une précarisation encore plus grande pour ces personnes».
Une garantie après 10 ans
Au Parlement, une initiative demande que «les étrangers qui séjournent en Suisse depuis plus de 10 ans, sans interruption et légalement, ne puissent plus se voir retirer leur autorisation de séjour ou d’établissement au motif qu’ils ont bénéficié de l’aide sociale, si le recours à celle-ci était justifié». La commission ad hoc du Conseil national est favorable, mais celle des États non. L’objet doit passer en plénum.
60 000 personnes qui renoncent
Pour Caroline Morel, ce système qui mêle la politique migratoire et de la politique sociale «est inhumain, car quiconque a travaillé et payé des impôts en Suisse pendant des années doit avoir droit à l’aide sociale en cas de situation d’urgence. L’OSEO observe cependant que les migrants et migrantes ne demandent pas d’aide sociale par crainte de se voir retirer leur autorisation d’établissement, alors qu’ils en auraient un besoin urgent». D’après les estimations, ce seraient quelque 60 000 personnes dans le besoin, qui renoncent à percevoir un minimum vital, de crainte de perdre leur droit de séjour.