FranceBoom alarmant d’injections clandestines d’acide hyaluronique
De plus en plus de personnes recourent à des injections d’acide hyaluronique en dehors de tout cadre médical. Avec de sérieux problèmes de santé à la clé.
Quatre piqûres dans les fesses aux douleurs «insupportables» suivies d’un long calvaire. Comme Sandra*, de plus en plus de femmes recourent à des injections clandestines d’acide hyaluronique, un acte de médecine esthétique potentiellement dangereux. Complexée par ses hanches et ses fesses, Sandra a contacté en mai une femme se faisant passer pour un médecin sur Instagram. Le réseau social regorge de comptes proposant sous le manteau ce type d’injections, qui ne peuvent être effectuées en France que par des professionnels.
Rendez-vous est pris dans un appartement parisien sommairement meublé, notamment d’une «table avec une alèse», témoigne la trentenaire auprès de l’AFP. L’opération, mal exécutée, vire au cauchemar. «Au total, on m’a enlevé trois abcès jusqu’en octobre, trois autres se sont résorbés avec les antibiotiques. Ces infections ont été créées par un staphylocoque doré. J’ai été sous antibiotiques pendant quasi cinq mois. Et une infirmière venait tous les soirs pour mécher (nettoyer, ndlr) les cavités», raconte-t-elle.
Plainte déposée
En janvier, Sandra a porté plainte contre son «injectrice», mais beaucoup de victimes n’osent pas, déplore l’avocate Laëtitia Fayon: «très souvent, elles ont honte de la démarche qu’elles ont faite d’aller voir quelqu’un dans l’illégalité». Moins lourdes que les opérations de chirurgie esthétique classiques, comme la pose d’implants, les injections clandestines séduisent de plus en plus de femmes.
Il s’agit pour l’essentiel de piqûres d’acide hyaluronique – un gel qui donne du volume – ou de toxine botulique, vulgarisée sous le nom de Botox, qui détend les muscles. Pratiqués sans aucune qualification, ces actes présentent de nombreux dangers.
Nécroses
«Il y a d’abord les risques d’infections et d’hématomes», détaille le Dr Adel Louafi. «Si vous piquez n’importe où, vous pouvez l’injecter en plein milieu d’une artère et donc la boucher. Or, certaines artères dans le visage irriguent la lèvre, le nez, qui subissent alors une nécrose. Il faut alors amputer».
«D’autres artères irriguent l’oeil et communiquent avec le cerveau. Là, vous risquez de perdre la vue, voire l’accident vasculaire cérébral», ajoute le président du Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE), qui alerte sur une pratique en forte augmentation depuis «deux-trois ans».
Quel contenu reçu?
Le danger peut aussi venir du contenu injecté. Les injectrices n’étant «pas médecins, elles n’ont pas accès officiellement aux réseaux de revente de ces produits, donc elles se fournissent sur Internet et là, on a des vrais produits ou des contrefaçons», décrypte le commissaire William Hippert, chef du Service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée.
Qu’elles aient été bernées, aient péché par méconnaissance de la loi ou soient sciemment tombées dans l’illégalité, «certaines patientes venant nous voir pour «réparer» les complications ou horreurs nées d’injections illégales ne connaissent même pas ce qu’on leur a injecté!» précise le Dr Lydia Houri, la présidente de la Société française de médecine morphologique et antiâge.
Selon Valentin Chabbi, médecin esthétique à La Madeleine (Nord), la demande est croissante, surtout depuis le début de l’épidémie de Covid. «La période est plus anxiogène, les gens ont besoin de prendre soin d’eux. Et face à la difficulté de répondre rapidement à la demande, vu qu’on n’est pas nombreux, certaines se tournent vers l’illégalité», développe-t-il. Les réseaux sociaux jouent aussi un rôle.
Manne financière
Sandra a payé 600 à 700 euros (entre 633 et 738 francs) pour quatre injections, sept fois moins cher que le prix officiel. Par appât du gain, certaines injectrices proposent des prix à peine en deçà de ceux du marché, selon les médecins interrogés, surtout si la piètre qualité du produit impose de nouvelles piqûres à intervalles réguliers.
Sollicité par l’AFP, le parquet de Paris a confirmé avoir ouvert une enquête le 28 octobre, du chef d’exercice illégal d’une activité réglementée, après la réception des six plaintes. D’autres enquêtes sont en cours pour ce genre de pratiques, a-t-il précisé.
*Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressée.