StatistiquesLa baisse de la natalité en Suisse va se poursuivre
Le nombre de nouveau-nés s'effondre depuis 2022. Les couples invoquent principalement le surmenage et la crainte de ne pouvoir concilier vie familiale et professionnelle.
En ces jours de célébration de la Nativité, la «NZZ am Sonntag» s’est penchée sur la natalité en Suisse, qui n’est guère à la fête: après une hausse durant la pandémie, le nombre de naissances recule de manière importante depuis 2022, indiquent les chiffres provisoires de l'Office fédéral de la statistique (OFS) pour cette année (lire encadré).
Des chiffres parlants en 2022
Pour mesurer la natalité, les spécialistes utilisent l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF), soit le nombre de naissances vivantes pour 1000 femmes de 15 à 49 ans (en âge de procréer). Avant la pandémie, ce taux était encore proche ou supérieur à 45 naissances, mais en 2022, il n'était plus que de 42,5. A titre de comparaison encore: au début des enregistrements de l’ICF, en 1871, environ 111 bébés naissaient chaque année pour 1000 femmes en âge de procréer.
Phénomène amorcé en 2018 déjà
Cette baisse de la natalité n’est pas un phénomène passager, comme le montrent des recherches. Selon l’épidémiologiste et historien Kaspar Staub de l'Université de Zurich, qui a évalué l'évolution mensuelle du nombre de naissances dans une étude récente, cette nouvelle tendance à la baisse se lit ainsi dans les statistiques depuis 2018 déjà. Alors, une enquête de l'Office fédéral de la statistique de 2018 avait montré l'importance de la répartition de la garde des enfants, de la qualité des relations et des conditions de travail pour le désir d'enfant: pour de nombreuses femmes surtout, et là encore essentiellement pour les plus instruites, ces facteurs doivent être réunis avant qu'elles ne décident de fonder une famille.
Crainte du stress parental
Si, jusqu’à récemment, la pandémie, la guerre, les crises et la baisse du pouvoir d'achat étaient les principales raisons invoquées pour expliquer la baisse du nombre d’enfants, aujourd’hui les jeunes femmes et hommes décident aussi de ne pas en avoir, ou de ne pas en avoir d’autres car concilier vie familiale et vie professionnelle représente un stress énorme: «Le vernis de cette conciliation ne tient plus», note Caroline Fux, thérapeute de couple.
Et la psychologue Angela Häne précise: «Comme les aspects difficiles de la parentalité sont toujours plus visibles, les couples pèsent bien le pour et le contre pour savoir s'ils veulent vraiment prendre cela sur eux. La décision de fonder une famille s'accompagne souvent d'une restriction de l'autosuffisance personnelle, de son propre besoin de contrôle et d'autonomie pour la suite de sa vie.» Les spécialistes constatent par ailleurs une augmentation du nombre de cas de burn-out parental.
Baisse notable du désir d’enfant depuis 2009
Le désir d'enfant a considérablement diminué entre 2009 et 2023, selon une enquête autrichienne (Generations and Gender Survey) présentée la semaine passée et transposable à la Suisse. Si une femme souhaitait encore avoir 2,1 enfants en moyenne il y a 14 ans, elle n'en désire plus que 1,7 aujourd'hui. Et le nombre de celles qui ne souhaitent pas d'enfant a plus que triplé. Le désir d'enfant a aussi diminué chez les hommes.
Les auteurs de l’enquête indiquent diverses raisons à cette évolution, dont l'allongement des études, l'impossibilité de concilier vie familiale et vie professionnelle, la multiplication des crises mondiales et le renchérissement.