FertilitéDes bébés conçus avec une manette de PlayStation 5
Deux fillettes sont nées après une fécondation in vitro réalisée par un dispositif robotisé: une première au monde.
- par
- Michel Pralong
Au printemps 2022, un robot d’injection conçu à Barcelone a été envoyé par DHL au New Hope Fertility Center, un centre de fécondation basé à New York. Les ingénieurs qui l’ont conçu s’y sont rendus également, ils ont remonté tout le dispositif et ont commencé à l’utiliser.
Il consiste en un microscope, un ordinateur et une aiguille d’injection. Dans un petit récipient, on y place un ovule. Et, alors que normalement les inséminations sont pratiquées par des embryologistes spécialement formés, c’est l’un des ingénieurs qui s’en est chargé. En observant sur son écran l’image agrandie de l’ovule et de l’aiguille, il a dirigé cette dernière, contenant un unique spermatozoïde, à l’aide… d’une manette de PlayStation 5. Plus d’une dizaine d’ovules ont été fertilisés de cette manière.
Depuis, deux fillettes sont nées, rapporte la «MIT Technology Review». Elles peuvent être considérées comme les premières personnes nées après la fécondation par un «robot». Même si l’opération finale est due à l’ingénieur, l’appareil l’a grandement aidé. Pour Overture Life, la start-up qui a conçu ce dispositif, c’est une première étape vers l’automatisation de la fécondation in vitro.
Ovules fournis gratuitement
L’un des couples qui a eu un bébé ainsi avait essayé la fécondation in vitro plusieurs fois auparavant, sans succès. Les deux cas d’injection de robot impliquaient des ovules de donneur, qui étaient fournis gratuitement aux patients (alors qu’ils peuvent coûter 15 000 $ aux États-Unis). Dans chaque cas, après avoir été fécondés et transformés en embryons, ils ont été implantés dans l’utérus de la patiente.
De nombreuses entreprises travaillent pour automatiser le plus possible la fécondation in vitro. Ce qui pourrait rendre celle-ci moins chère pour les patients et plus fréquente. En Suisse, le coût en 2019 était estimé entre 8000 et 10 000 francs, selon la RTS. Alors qu’aux États-Unis, cela peut atteindre 20 000 dollars. Un demi-million de bébés naissent chaque année dans le monde par fécondation in vitro. Dans l’article du MIT, un spécialiste de la fertilité évoque un chiffre de 30 millions par an si l’on parvenait à rendre le processus plus simple et plus automatisé.
D’autres entreprises étudient la possibilité de non seulement féconder, mais également nourrir l’ovule hors du corps de la femme jusqu’à donner des embryons sains, qui seraient alors replacés dans le ventre de la mère. D’autres dispositifs ont été mis au point pour observer des spermatozoïdes afin de tenter de déceler lesquels ont le meilleur potentiel.
«Les humains valent mieux qu’une machine»
Une chaîne de cliniques du sud des États-Unis utilise des systèmes de vision par ordinateur pour étudier des vidéos accélérées d’embryons en croissance. Cela afin de voir si des données expliquent pourquoi certains deviennent des bébés et d’autres non. Pour Kathleen Miller, qui y est la scientifique en chef, «pour l’instant, les embryologistes sont des techniciens, mais ils vont devenir des scientifiques analysant des données».
Reste que, outre que toutes les techniques sont encore loin d’être au point, des scientifiques émettent des doutes sur le fait que des robots peuvent ou devraient remplacer les embryologistes. «Vous prélevez un sperme, le mettez dans un ovule avec un minimum de traumatisme, aussi délicatement que possible», explique Zev Williams, directeur de la clinique de fertilité de l’Université de Columbia. Pour l’instant, estime-t-il «les humains valent bien mieux qu’une machine pour faire cela».