WimbledonLa super maman Tatjana Maria brille et défie la WTA
Quatorze mois après la naissance de sa deuxième fille, l’Allemande a battu María Sákkari (6-3, 7-5) pour accrocher son premier 8e en Grand Chelem. Sans l’aide de la WTA.
- par
- Mathieu Aeschmann Londres
Parfois les pionnières se cachent loin des caméras. Vendredi, Tatjana Maria est devenue la première maman de deux enfants à atteindre la deuxième semaine d’un tournoi du Grand Chelem. L’Allemande s’est montrée plus forte que María Sákkari (5e mondiale), les règlements archaïques de la WTA et, sans doute, ses propres doutes. «Quand tu reviens de grossesse, tu dois te débrouiller pour remonter au classement, expliquait-elle radieuse après son exploit. Ce serait beau si les mentalités et le règlement évoluaient. Je trouve que l’on pourrait aider davantage les joueuses à envisager la vie de famille durant leur carrière. Je suis un exemple de cohabitation réussie. C’est beau d’avoir une famille sur le circuit. Mais c’est compliqué.»
Dans la famille Maria, dans l’ombre de Tatjana, il y a l’ancien joueur Charles-Edouard, désormais papa et coach, Charlotte, 8 ans et Cecilia, 14 mois. «La règle, c’est que nous sommes d’abord une famille, explique Tatjana. Il est interdit de se prendre la tête à cause du tennis.» Une digue qui semble bien résister, surtout à Wimbledon où la vie est beaucoup plus facile pour les familles. «Il y a des garderies dans les quatre tournois du Grand Chelem. C’est génial pour les enfants, qui se connaissent et ont du plaisir à se retrouver. Et c’est évidemment un confort pour nous. Là, je termine la presse puis je file à Aorangi Park (le site d’entraînement) récupérer mes filles. Elles adorent venir à Wimbledon.»
Ce paysage idyllique n’est toutefois pas la norme. «Aujourd’hui, les joueuses enceintes sont traitées par la WTA comme si elles étaient blessées, avait dénoncé Tatjana Maria ce printemps dans une interview à la chaîne ARD. Nous avons besoin d’une règle propre à la grossesse. C’est triste de voir des sportives qui se sentent tellement sous pression qu’elles s’accrochent à leur carrière et n’envisagent les enfants qu’une fois cette dernière terminée.» Début 2021, l’Allemande a ainsi bénéficié d’un «classement protégé» comme tous les blessés de longue durée (WTA et ATP confondus). Mais elle s’est remise en forme si vite après la venue au monde de Cecilia que son total de «jokers» – une admission dans les tournois sur la base de son classement au moment de l’arrêt – a été réduit de douze à huit. Absurde.
«Nous avons contacté Steve Simon, le CEO de la WTA. Il nous a écoutés mais on attend toujours une réponse. J’entends souvent cet argument: «Les joueuses ne veulent pas d’enfants pendant leur carrière». C’est faux. Les discussions que j’ai dans le vestiaire ne vont pas dans ce sens. Il faut que les choses changent.» Les exemples de renom ne manquent pourtant pas. Avec des figures aussi fortes que Kim Clijsters (trois titres du Grand Chelem comme maman), Serena Williams (4 finales) ou Victoria Azarenka, la WTA avait toute l’opportunité médiatique de légiférer.
Elle ne l’a pas fait. «Et au-delà des règles, il y a la réalité pratique, poursuit l’Allemande. Seuls les tournois du Grand Chelem proposent des garderies. Ce serait bien de pouvoir en profiter dans les grands tournois, à Indian Wells ou à Miami par exemple». Un manque qui n’empêche pas Tatjana Maria de considérer la maternité comme un facteur d’équilibre pour une sportive professionnelle. «Quand tu récupères tes enfants, tu redeviens immédiatement une maman. Eux s’en fichent de savoir si tu as gagné ou perdu. Une maman n’a pas le temps de se morfondre sur son match. Mon attention se détache alors automatiquement du tennis, c’est très bon pour la tête.» On peut donc lui faire confiance: dimanche contre Jelena Ostapenko, Tatjana Maria débarquera l’esprit libre. Portée par une force en provenance d’Aorangi Park.