CinémaL’histoire vraie derrière le film de Scorsese
«Killers of the Flower Moon» s’ancre dans des faits bien réels, documentés dans le livre de David Grann «La Note américaine».
Pétrole, cupidité et trahison: le dernier film de Martin Scorsese «Killers of the Flower Moon» narre les meurtres ayant ciblé le peuple amérindien Osage pour accaparer leurs richesses issues du pétrole, dans l’Oklahoma au début du XXe siècle.
Un récit sombre qui semble tout droit sorti de l’esprit de scénaristes d’Hollywood mais s’ancre pourtant dans des faits bien réels, documentés dans le livre de David Grann «La Note américaine», paru en 2017 et ayant inspiré le long-métrage qui sort le 20 octobre aux Etats-Unis, deux jours plus tôt en Suisse.
Qui sont les Osages ?
Originaire de la vallée de la rivière Ohio et du fleuve Mississippi, la tribu amérindienne Osage a été déplacée contre son gré et s’est implantée à la fin du XIXe sur les terres rocailleuses de l’Oklahoma, dans le centre des Etats-Unis.
Propriétaires de leur nouvelle réserve, les Osages négocient en 1906 un accord rare avec l’Etat fédéral américain octroyant de façon exclusive aux membres de la tribu des droits sur toute ressource minérale trouvée dans le sol. Ils ne peuvent être ni cédés ni vendus et seulement hérités.
Or des prospecteurs ne tardent pas à découvrir que la réserve Osage repose sur un énorme champ pétrolifère. Avec le boom de l’or noir, les Osages s’enrichissent rapidement. Pour la seule année 1923, la tribu perçoit l’équivalent de plus de 400 millions de dollars actuels, selon David Grann.
Ce qui suscite la convoitise des pionniers blancs qui accourent pour profiter de cette manne. Ils montent des commerces, épousent des membres de la tribu quand ils ne gèrent pas tout simplement leur fortune, le gouvernement américain ayant déclaré en 1921, par un décret empreint de préjugés racistes, les Osages «incompétents» en la matière.
«Le règne de la Terreur»
De 1921 à 1925, une série de meurtres et morts suspectes frappent l’opulent peuple Osage qui baptise cette période «le règne de la Terreur». La famille de Mollie Kyle Burkhart est particulièrement touchée. Sa sœur Anna Kyle Brown est tuée d’une balle dans la tête en 1921, leur mère Lizzie meurt quelques mois plus tard d’un empoisonnement présumé. Rita Smith, une autre soeur de Mollie, et son mari Bill décèdent après l’explosion d’une bombe dans leur maison en 1923.
Leur cousin éloigné, Henry Roan, est aussi retrouvé abattu d’une balle dans la tête la même année. Diabétique, Mollie Burkhart elle-même échappe de peu à un empoisonnement lié à ses doses d’insuline. En tout, la tribu dénombre au moins 60 victimes pendant cette période d’après son site internet mais il en existe potentiellement davantage, certaines morts suspectes n’ayant jamais fait l’objet d’une enquête.
Enquête fédérale
Face aux cadavres qui s’amoncellent, les autorités américaines relancent l’enquête en 1925 confiée au «Bureau of Investigation», ancêtre de la police fédérale (FBI). Après des mois d’enquête, ils mettent au jour une machination intra-familiale. Le mari de Mollie Burkhart, Ernest, un colon blanc et son oncle, William Hale, notable blanc de la région, ont orchestré les meurtres des Osages de la famille pour parvenir à hériter de leurs droits d’exploitation du pétrole.
Les deux hommes, qui avaient tenté de maquiller leurs crimes, sont condamnés à la prison à perpétuité en 1926 et 1929.
Les autres assassinats de cette période, dont les coupables n’ont pas été traduits en justice faute de preuve, sont quasiment tous imputés à des personnes externes à la tribu qui cherchaient à s’emparer des droits pétroliers des Osages, selon David Grann qui dénonce dans son livre «une série de meurtres à grande échelle».
Et aujourd’hui ?
Aujourd’hui, environ un quart des droits d’exploitation du pétrole de la réserve sont détenus par des non-Osages. La nation Osage cherche cependant à faire passer une loi fédérale pour pouvoir récupérer ces titres, notamment ceux ayant été mal acquis.
Le gisement s’est toutefois en majorité tari et les montants des royalties n’atteignent désormais que quelques milliers de dollars.
Les meurtres des années 1920 ont laissé une trace indélébile dans la mémoire de la communauté Osage, qui a été fortement impliquée dans le tournage du film de Martin Scorsese. Le long-métrage met notamment en scène, aux côtés de Leonardo DiCaprio et Robert De Niro, des acteurs Osage, des accessoires faits par des artisans de la tribu et la langue osage.