États-UnisLa canicule révèle les inégalités énergétiques
Dans l’État américain d’Arizona, les températures élevées qui sévissent depuis plusieurs semaines, montrent à quel point certaines personnes souffrent plus que d’autres.
En pleine vague de chaleur historique, Melanie Floyd est venue tôt le matin pour profiter du zoo de Phoenix avec ses enfants, pendant que la température est encore supportable. Devant l’enclos des tortues, la trentenaire relativise la canicule exceptionnelle qui frappe actuellement le sud-ouest des Etats-Unis.
«Tant qu’on a la clim’ et que tout le monde fait des choix intelligents, (…) en s’hydratant, en se mettant à l’ombre, en restant au frais, en ne faisant pas trop d’efforts, je pense que c’est tolérable», confie à l’AFP cette mère au foyer.
Chez elle, l’air conditionné est en permanence réglé entre 23 et 25°C, ce qui lui permet d’occuper tranquillement ses enfants de 2 et 6 ans à l’intérieur, en multipliant coloriages et ateliers créatifs. Loin, très loin, des valeurs affolantes qui dépassent quotidiennement le seuil des 43°C, depuis plus de trois semaines, dans la capitale de l’Arizona.
Progression du changement climatique
Aux États-Unis, cette série noire, la plus longue jamais enregistrée par Phoenix, relance les débats sur la vitesse de progression du changement climatique. Mais pour Melanie Floyd, ce phénomène inquiétant est un non-événement. «On doit s’adapter aux conditions météorologiques, il faut faire preuve de souplesse», évacue-t-elle.
Dans cette métropole en plein désert, de nombreux habitants rencontrés par l’AFP ont le même discours: face à l’augmentation de la fréquence des températures extrêmes provoquée par les émissions humaines, ils s’acclimateront.
Pannes d’air conditionné
Pour beaucoup, la vie est faite de sauts de puce entre bureaux, restaurants et magasins où l’air conditionné tourne à fond. Dans le centre-ville et les banlieues aisées, on laisse volontiers le moteur de sa voiture tourner le temps de faire une course, pour maintenir la fraîcheur de l’habitacle.
Mais dans les quartiers populaires, la canicule prend une tout autre dimension. «Si les températures continuent comme ça, beaucoup de gens ne vont pas tenir le coup», soupire Rosalia Licea. À 37 ans, cette mère célibataire vit avec ses cinq enfants dans un parc de mobile-homes, où la plupart des habitations datent des années 1950. Dès le début de la vague de chaleur, le moteur de sa climatisation a lâché.
Pendant deux jours, le mercure a grimpé jusqu’à 36°C à l’intérieur du foyer. La famille entière a dû se réfugier dans la chambre de l’aînée, équipée d’un petit appareil d’appoint. L’un des plus petits a commencé à avoir des maux de tête.
La Mexicaine, qui exerce une myriade de petits boulots pour joindre les deux bouts, ne dispose pas des 2000 dollars nécessaires pour remplacer sa climatisation. Dans l’urgence, elle s’est rabattue sur une solution temporaire: faire réparer le moteur du dispositif, pour 800 dollars. «Je n’avais pas le choix, avec mes enfants», souffle-t-elle. «C’était la priorité, plus que d’acheter de la nourriture et payer mon propre loyer.»
«Pour nous, c’est différent»
Selon une étude publiée fin 2022 par l’université d’État d’Arizona (ASU), les mobile-homes ne représentent que 5% des logements de Phoenix et sa banlieue. Pourtant, 30% des morts liées à la chaleur survenues en intérieur s’y déroulent. «C’est facile de dire «On va s’adapter», lorsque tu as accès à tout», enrage Rosalia Licea. «Pour nous, c’est différent.»
Il y a quelques jours, un incendie s’est déclenché dans son quartier, où tous les mobile-homes sont raccordés directement aux poteaux électriques par des installations précaires. Une caravane est entièrement partie en fumée, probablement à cause d’une surcharge: face à la chaleur impitoyable, la plupart des voisins poussent à fond leurs petits climatiseurs de fenêtres, qui sont souvent leur seule option pour se rafraîchir.