OugandaInquiétude après la promulgation d’une loi «anti-homosexualité»
La promulgation d’une loi prévoyant de lourdes peines pour les relations homosexuelles en Ouganda suscite lundi indignation et inquiétude, des ONG locales jusqu’à la Maison-Blanche.
Le chef de l’État, Yoweri Museveni, a «approuvé» le texte, qui «devient désormais la loi anti-homosexualité 2023», a annoncé la présidence. La nouvelle a ravivé les craintes déclenchées en mars par le vote du projet de loi, qualifié alors par le chef du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), Volker Türk, de «texte discriminatoire – probablement le pire au monde en son genre».
Le HCDH s’est dit lundi «consterné» de voir entrer en vigueur ce projet de loi «draconien et discriminatoire», «contraire à la Constitution et aux traités internationaux», qui ouvre la voie à «des violations systématiques des droits des personnes LGBT».
Le président américain Joe Biden, dénonçant une «atteinte tragique» aux droits humains, étudie les conséquences de cette loi sur «tous les aspects de la coopération entre les États-Unis et l’Ouganda», notamment l’aide et les investissements, selon un communiqué de la Maison-Blanche. «L’incapacité de l’Ouganda à protéger les droits des personnes LGBTQI+ s’inscrit dans le cadre d’une dégradation plus générale de la protection des droits humains» dans le pays, a déclaré le secrétaire d’État américain Antony Blinken, qui a évoqué des restrictions de visas.
Le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, parle d’une loi «déplorable» et «contraire aux droits humains» dans un communiqué, évoquant des relations «compromises» avec Kampala. Ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni «est consterné que le gouvernement ougandais ait signé la loi anti-homosexualité profondément discriminatoire», selon un communiqué du secrétaire d’État aux Affaires étrangères Andrew Mitchell.
Crime capital
Le texte avait été amendé à la marge par les parlementaires, à la demande du président Museveni. Les élus avaient précisé que le fait d’être homosexuel n’était pas un crime, mais que les relations sexuelles entre personnes de même sexe l’étaient.
Dans ce pays d’Afrique de l’Est où l’homosexualité est illégale, les «actes d’homosexualité» sont passibles de la perpétuité depuis une loi datant de la colonisation britannique. Les parlementaires ont maintenu une disposition faisant de «l’homosexualité aggravée» un crime capital, ce qui signifie que les récidivistes pourront être condamnés à mort. En Ouganda, la peine capitale n’est cependant plus appliquée depuis des années.
Une ONG a annoncé avoir saisi la Haute Cour de l’Ouganda sur cette loi «ouvertement inconstitutionnelle». La criminalisation des activités entre homosexuels adultes consentants «va à l’encontre de dispositions clés de la Constitution, dont le droit à l’égalité et à la non-discrimination», a jugé Adrian Jjuuko, directeur exécutif du Human Rights Awareness and Promotion Forum (HRAPF).
«Entrave»
Une disposition sur la «promotion» de l’homosexualité inquiète particulièrement les ONG. Selon le texte, quiconque – particulier ou organisation – «promeut sciemment l’homosexualité» encourt jusqu’à 20 ans de prison. S’il s’agit d’une organisation, elle risque 10 ans d’interdiction.
«Nous nous sentons tellement, tellement, tellement inquiets. Cette loi va faire beaucoup de mal à la communauté LGBTQ ougandaise», a déclaré à l’AFP le directeur exécutif de Sexual Minorities Uganda, organisation de défense des droits des homosexuels, dont les activités ont été suspendues par les autorités l’année dernière. Il redoute «une justice populaire et des arrestations massives».
Cette loi suscite également l’inquiétude des organisations humanitaires. «Les progrès de l’Ouganda dans sa riposte au VIH sont désormais gravement compromis», affirment dans un communiqué trois organisations humanitaires, dont le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et l’agence humanitaire américaine USAID. Le texte «entravera l’éducation sanitaire et la sensibilisation qui peuvent aider à mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique».
La loi bénéficie d’un large soutien populaire et les réactions d’opposition ont été rares dans le pays, dirigé d’une main de fer depuis 1986 par Yoweri Museveni.