SénégalLe pouvoir déploie l’armée à Dakar après les heurts
La condamnation à 2 ans de prison ferme de l’opposant Ousmane Sonko a débouché sur une journée de violences meurtrières jeudi au Sénégal, avec la mort de dix personnes.
Les appels à l’arrêt des violences se sont succédé vendredi au Sénégal et à l’étranger après un déchaînement qui a poussé les autorités à déployer l’armée à Dakar, et qui fait craindre un embrasement en cas d’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, candidat à la présidentielle de 2024, condamné à de la prison ferme.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres condamne la violence et «exhorte tous les acteurs à (…) la retenue», a dit un porte-parole. Langage similaire de la part de la France, aux relations fortes avec le Sénégal et «extrêmement préoccupée». La Communauté des États ouest-africains (Cédéao) a fait part de son «inquiétude» et appelé toutes les parties à «défendre la réputation louable du pays en tant que bastion de paix et de stabilité».
Le Sénégal, réputé comme un rare îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, sans être exempt de troubles en période préélectorale, a connu jeudi l’une de ses pires journées de contestation depuis des années avec la mort de neuf personnes selon le ministère de l’Intérieur. Ces violences faisaient suite à la condamnation d’Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs.
10e mort
Des heurts épars ont encore été signalés vendredi dans la capitale et en Casamance. Des affrontements se sont également déroulés à Cap Skirring, une station balnéaire de Casamance, faisant un dixième mort lors de l’attaque d’une caserne de gendarmerie par des manifestants, a indiqué le porte-parole du gouvernement à la télévision TFM.
«Ce sont des moments difficiles pour la nation sénégalaise, qu’on va dépasser», a déclaré Abdou Karim Fofana. «Ce n’est pas une manifestation populaire avec des revendications politiques», a-t-il affirmé, mais plutôt «des actes de vandalisme et de banditisme» de la part de «malfaiteurs».
La tension est restée élevée toute la journée, dans l’incertitude sur l’arrestation du plus farouche adversaire du président Macky Sall. Les autorités ont déployé des soldats en treillis et armes de guerre à Dakar, capitale quasiment paralysée, avec notamment deux blindés sur la place de l’Indépendance, à cinq minutes à pied du palais présidentiel.
Le gouvernement a reconnu avoir restreint les accès aux réseaux sociaux comme Facebook, WhatsApp ou Twitter pour faire cesser selon lui «la diffusion de messages haineux et subversifs». Dans la crainte des saccages, les magasins sont restés fermés le long de rues entières qui portaient encore les traces des violences de la veille.
«Craindre le pire»
Acquitté jeudi des charges de viols et menaces de mort contre une employée d’un salon de beauté où il allait se faire masser entre 2020 et 2021, Ousmane Sonko a en revanche été condamné jeudi à 2 ans de prison ferme pour avoir poussé à la «débauche» cette jeune femme de moins de 21 ans.
La condamnation paraît, au vu du code électoral, entraîner l’inéligibilité d’Ousmane Sonko, personnalité anti-système populaire parmi les jeunes et dans les milieux modestes en quête d’espoir et de changement dans un contexte économique éprouvant. Ousmane Sonko n’a cessé de nier les accusations, dénonçant une machination pour l’écarter de la présidentielle, ce que le pouvoir réfute.
Ousmane Sonko peut désormais être arrêté «à tout moment», a dit le ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall. Ousmane Sonko est bloqué, «séquestré» dit-il, chez lui dans la capitale par des forces de sécurité qui empêchent par la force quiconque de l’approcher.