Franquisme en Espagne : Une victime de tortures entendue par un juge, une première 

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Franquisme en EspagneUne victime de tortures entendue par un juge, une première

Pour la première fois depuis la mort de Franco en 1975, une victime de tortures sous la dictature va être entendue vendredi par un juge en Espagne.

Julio Pacheco (2e à g.) et son épouse Rosa Maria Garcia Alcon (2e à dr.) brandissent les portraits d’autres victimes du Franquisme, à Madrid, le 15 septembre 2023.

Julio Pacheco (2e à g.) et son épouse Rosa Maria Garcia Alcon (2e à dr.) brandissent les portraits d’autres victimes du Franquisme, à Madrid, le 15 septembre 2023. 

AFP

Pour la première fois depuis la mort de Franco en 1975, une victime de tortures sous la dictature va être entendue vendredi par un juge en Espagne, où une loi d’amnistie a empêché jusqu’ici toute poursuite. Membre d’une organisation étudiante antifranquiste, Julio Pacheco a 19 ans quand il est arrêté à Madrid par la police secrète en août 1975, trois mois avant la mort du «Caudillo» qui dirige alors le pays d’une main de fer, depuis sa victoire dans la Guerre civile (1936-1939).

48 ans après les faits

Torturé pendant plusieurs jours à la Direction générale de la sécurité sur la célèbre place de la Puerta del Sol, selon son témoignage, il est ensuite envoyé en prison, accusé de terrorisme. Quarante-huit ans après les faits, ce retraité de 67 ans a déposé plainte en février contre ses quatre tortionnaires, dont l’ex-commissaire sulfureux José Manuel Villarejo, célèbre en Espagne pour avoir enregistré à leur insu de nombreuses personnalités politiques ou des milieux économiques.

La juge en charge du dossier a pris le contre-pied de tant d’autres magistrats avant elle en admettant cette plainte au mois de mai en raison de «la possible existence» de «crimes contre l’humanité et tortures» dans ce dossier. Elle a également fait part de son intention de convoquer les accusés et a demandé des documents à la police et aux archives nationales pour mener son enquête, à l’issue de laquelle elle décidera d’un renvoi en justice ou d’un classement sans suite.

Devant le tribunal madrilène, où Julio Pacheco a été convoqué vendredi, à 10h, pour être entendu par la magistrate, une trentaine de personnes brandissaient une banderole clamant «les victimes du franquisme exigent la justice» et une pancarte montrant des visages de victimes de la dictature. Pacheco a avoué à l’AFP se sentir «un peu nerveux» avant d’entrer dans le tribunal.

Julio Pacheco, avant son audition au tribunal, à Madrid, le 15 septembre 2023.

Julio Pacheco, avant son audition au tribunal, à Madrid, le 15 septembre 2023. 

AFP

«Étape importante»

Si elle n’est qu’une première étape dans la procédure judiciaire, l’audition de vendredi est une victoire pour les associations de victimes, selon lesquelles une centaine de plaintes ont été par le passé rejetées par la justice. Pouvoir témoigner devant un juge est «une étape importante», a dit à l’AFP Julio Pacheco, dans son appartement d’un quartier populaire de Madrid.

Cet ancien imprimeur espère surtout que son témoignage permettra d’ouvrir «une brèche dans le mur de l’impunité» et amènera les tribunaux à être «plus ouverts, face aux prochaines plaintes qui seront déposées». Jusqu’ici, malgré les demandes insistantes des Nations unies, la justice espagnole a stoppé net toutes les tentatives des victimes de la dictature en invoquant la prescription des faits mais surtout la loi d’Amnistie de 1977.

Ce texte pilier de la transition vers la démocratie, après la mort de Franco, le 20 novembre 1975, empêche de poursuivre tout délit politique commis durant la dictature par des opposants mais aussi par «les fonctionnaires et agents de maintien de l’ordre public». Au grand désespoir des victimes, des tortionnaires sont morts et ne pourront jamais être poursuivis, comme un policier surnommé «Billy el Niño» (Billy the Kid) en raison de son habitude à faire tourner son pistolet comme un cow-boy, décédé en 2020.

Plaintes en Argentine

L’une des personnes ayant accusé «Billy the Kid» de tortures n’est autre que l’épouse de Julio Pacheco, Rosa María García, 66 ans, arrêtée comme lui en août 1975, mais dont la plainte a été rejetée. Elle sera toutefois également entendue vendredi, mais en qualité de témoin, car l’une des tortures à laquelle a été soumis son mari était de la voir être elle-même torturée.

Face aux obstacles en Espagne, des associations de victimes se sont tournées vers l’Argentine où la magistrate Maria Servini a invoqué le principe de justice universelle pour ouvrir en 2010 une enquête, toujours en cours, pour génocide et crimes contre l’humanité durant la Guerre civile et la dictature. Dans le cadre de ses investigations, elle a lancé en 2014 vingt mandats d’arrêt internationaux contre une vingtaine de représentants du régime franquiste (ministres, juges, policiers) mais s’est vu opposer une fin de non-recevoir par Madrid. 

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(AFP)

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