Guerre en Ukraine: une unité de combat russe composée de hooligans

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Guerre en UkraineUne unité de combat russe composée de hooligans

Les ultras de différents clubs de football ont enterré leur rivalité pour constituer une troupe de volontaires pour aller se battre en Ukraine.

Sur le crâne rasé de Mikhaïl, alias «Pitbull», un tatouage: «Espanola», le nom d’une unité combattante constituée de supporters de football russes radicaux qui, mettant de côté leurs rivalités, ont pris les armes pour affronter les forces de Kiev.

Ce jour-là, des membres d’Espanola s’exercent sur une plage sauvage au bord de la mer d’Azov, à quelques kilomètres de Marioupol, ville portuaire du sud-est de l’Ukraine conquise par Moscou au printemps 2022 au prix d’immenses destructions et de milliers de victimes civiles.

«On se serre les coudes»

«Pitbull» est un fan absolu du Zénith Saint-Pétersbourg. Mais il partage désormais sa vie de militaire avec des supporters d’autres clubs russes qu’il a pourtant honnis viscéralement pendant des années. «Dans la vie civile, on se battait», note «Pitbull», le chef d’une section d’assaut du groupe Espanola. «Mais dans les tranchées, on se serre les coudes», relève cet homme arborant une crête iroquoise et d’imposants bras bronzés et bodybuildés.

Ses soldats prennent la pose, tenant chacun une mitraillette pointée vers le ciel. «Un pour tous, tous pour un, tous pour un! Pas un seul pas en arrière, on ne se rend pas! Espanola! Espanola! Espanola!» hurle la petite bande. Puis ils tirent tous en l’air, faisant gicler des dizaines de douilles sur le sable, dans un fracas assourdissant.

Ces supporters de foot reconvertis en soldats font partie de la constellation de groupes de volontaires qui combattent en Ukraine aux côtés des forces régulières russes, comme le faisaient les mercenaires du groupe Wagner ou d’autres organisations paramilitaires.

Si l’apport militaire de ces néocombattants qui se rendent sur le front par appât du gain ou idéologie reste discutable, la présence d’un groupe comme Espanola, rompu à l’utilisation des réseaux sociaux, permet de propager une vision attrayante du conflit au sein d’une partie de la population russe.

Un groupe de 600 combattants

Au principal stade de football de Marioupol, toujours debout, seulement légèrement endommagé pendant la bataille, une grande bannière «Gloire à la Russie» orne désormais les tribunes. Après la prise de la ville, devenue un symbole de la violence inouïe de l’attaque russe en Ukraine, des supporters de football russes sont venus y constituer le groupe Espanola, qui revendique désormais 600 combattants.

Ces supporters de football d’extrême droite ont longtemps eu des relations tendues, voire hostiles, avec le Kremlin, qui a entrepris de les affaiblir pour réduire la violence dans et autour des stades et canaliser leurs discours ultranationalistes. Les membres d’Espanola interrogés par l’AFP précisent ne pas combattre pour les autorités russes, mais pour leur pays.

«Certaines valeurs vont bien au-delà de l’État et des politiciens qui dirigent ce processus. Pour moi, il y a l’honneur, la bravoure, les amis, la patrie et ma famille», détaille Viatcheslav, fan du CSKA Moscou et chef des unités de reconnaissance d’Espanola.

D’autres ont rallié l’Ukraine

D’autres ultras et hooligans russes ont rejoint à l’inverse les troupes ukrainiennes, pour diverses raisons. Certains estiment que la Fédération de Russie fait trop de place aux minorités ethniques et qu’ils doivent défendre leurs frères slaves ukrainiens.

Cette division entre supporters russes a commencé en 2014, après la révolution pro démocratique du Maïdan à Kiev et le début d’une guerre entre l’Ukraine et des séparatistes prorusses soutenus par Moscou. Avec l’offensive russe en Ukraine en 2022, cette division «est devenue plus radicale», observe Andreï, un supporter du Spartak Moscou, également membre du groupe Espanola. Il dit avoir l’espoir de se frotter directement, sur le champ de bataille, aux supporters russes combattant pour Kiev.

L’unité Espanola affirme pouvoir mener des opérations offensives et défensives, ainsi que des missions de sabotage, et indique que certains de ses membres ont déjà combattu sur les fronts dans l’est et le sud de l’Ukraine. Ce jour-là, sur la plage, ses combattants, dont deux femmes, s’exercent au tir et aux manœuvres de combat. L’un d’eux, Evguéni, originaire de l’est de l’Ukraine, assure que l’armée régulière russe a reconnu leurs efforts.

Sportifs et sobres

«Les dernières armes que notre détachement a reçues venaient du ministère russe de la Défense, parce que nous avons très bien fait nos preuves», assure ce tireur d’élite de 38 ans. Selon lui, ses compagnons d’armes sont «tous sportifs» et «ne boivent pas d’alcool».

Lui-même, avant 2014, était un supporter du FC Shakhtar Donetsk, un célèbre club ukrainien qui a déménagé dans l’ouest de l’Ukraine au début des combats. Depuis, Evguéni, originaire de la région de Donetsk, n’est plus pour eux.

(AFP)

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