Égypte: Ahmed al-Tantawi, «l’espoir» douché de la présidentielle

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ÉgypteAhmed al-Tantawi, «l’espoir» douché de la présidentielle

Jusqu’à ce qu’il jette l’éponge, Ahmed al-Tantawi se voulait «l’espoir» de l’opposition au président égyptien Abdel Fattah al-Sissi pour la présidentielle de décembre.

C’est depuis le Liban, où il s’était un temps exilé, qu’Ahmed al-Tantawi avait annoncé en avril son intention de se présenter.

C’est depuis le Liban, où il s’était un temps exilé, qu’Ahmed al-Tantawi avait annoncé en avril son intention de se présenter.

AFP

Rasé de près, costume bleu marine assorti à sa cravate, l’ancien député de 44 ans Ahmed al-Tantawi reçoit dans un appartement du centre du Caire, QG de sa campagne «Vive l’espoir». Mais ses espoirs à lui ont été douchés vendredi: à la clôture des enregistrements de signatures de soutien, il n’en avait réuni que «14’000», sur les 25’000 nécessaires pour pouvoir se présenter, a annoncé son directeur de campagne.

En Egypte, ses partisans ont témoigné avoir été agressés par des hommes de main ou refoulés par des fonctionnaires selon eux aux ordres du pouvoir. Donc il s’était tourné vers la diaspora.  Mais même là bas, il n’a pu récolter qu’à peine une dizaine de milliers de signatures.

«On connaît bien les méthodes du régime (...) mais ils nous ont surpris en allant jusqu’à fermer les bureaux d’enregistrement», a-t-il dit jeudi à l’AFP, son sourire mécanique vissé aux lèvres. «Les gens qui criaient «vive l’espoir» devant les bureaux où je me suis rendu suffisaient à rassembler le nombre de signatures nécessaires (...) mais même mon frère n'a pas réussi à faire enregistrer sa signature», assure-t-il. C’est depuis le Liban, où il s’était un temps exilé, qu’il avait annoncé en avril son intention de se présenter.

«Etat de droit»

Depuis, il a révélé que son téléphone était sur écoute depuis septembre 2021. L’Université de Toronto, qui dispose d’un «Citizen Lab» qui enquête sur les logiciels espions visant les membres de la société civile dans la monde entier, accuse avec «une grande certitude» les autorités égyptiennes. Pendant la campagne, M. Tantawi a refusé de donner les noms de ses principaux conseillers, assurant vouloir les préserver alors qu’une centaine de ses partisans ont été arrêtés.

Il n’a jamais présenté de mesures politiques concrètes non plus et les nombreuses figures de la société civile qui appelaient à le soutenir n’ont cessé de souligner n’être que peu en accord avec les rares promesses qu’il a laissé filtrer. Dans un long entretien à l’un des rares médias indépendants d’Egypte, il a donné quelques indications.

Après cinq présidents, qui depuis des décennies se posent en «sauveurs de la nation», lui a martelé qu’il serait le «premier fonctionnaire à son service». Son mot d’ordre principal est «l’Etat de droit et la Constitution» – quitte à botter en touche quand les journalistes l’interrogent sur la possibilité de lancer des réformes, notamment pour les droits des minorités. Lui ne répond que: «il y a une Constitution et elle doit être respectée» ou appelle à respecter «les coutumes et les traditions», s’adressant à la frange conservatrice de son électorat.

«Dix années noires»

«Je suis en désaccord avec Tantawi sur de nombreux points mais j’aime sa façon de mener campagne et on n’exagère pas en disant qu’il a libéré la rue égyptienne après dix années noires», affirme ainsi Hesham Ouf, un cadre de l’opposition libérale. Depuis que M. Sissi a renversé en 2013 l’islamiste Mohamed Morsi, il a muselé l’opposition, interdit les manifestations et remporté en 2014 et en 2018 deux élections avec plus de 96% des voix.

Pour la première fois depuis la «révolution» de 2011, le slogan phare de celle-ci «pain, liberté,justice sociale» a résonné dans les rues, scandé par des dizaines d’Egyptiens pro-Tantawi. Malgré tout, M. Tantawi, l’ancien patron du parti de gauche El Karama, a appelé durant toute sa campagne ses partisans à ne pas s’en prendre à ceux de M. Sissi. «Nous sommes les enfants d’un même peuple», a-t-il répété, assurant que tous partageaient les mêmes difficultés dans un pays qui traverse la pire crise économique de son histoire.

Aujourd’hui, il promet qu’il ne s’arrêtera pas là: «si certains pensent que le régime a gagné cette manche par la répression (...) ce n’est que temporaire». «La vraie victoire, c’est d’avoir fait revivre l’espoir et la confiance des gens dans l’idée qu’ils peuvent être le moteur du changement.»

(AFP)

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