DiplomatieLa Chine demande à l’ONU un embargo sur les armes légères pour Haïti
L’embargo sur les armes légères voulu par Pékin viserait à mettre un coup d’arrêt à la violence qui secoue Haïti, mais Washington a écarté cette requête.
La Chine a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU d’imposer à Haïti un embargo sur les armes légères et leurs munitions, mais les États-Unis ont écarté cette requête dans un projet de résolution qui sera mis au vote vendredi en fin de journée. Pékin ira-t-il jusqu’à mettre son veto au texte rédigé par les États-Unis avec le concours du Mexique?
Obtenue par l’AFP, la version finalisée jeudi tard de ce projet «appelle les États membres à interdire le transfert d’armes légères et de petit calibre et de munitions à des acteurs non étatiques engagés dans ou soutenant la violence des gangs, des activités criminelles ou des violations des droits humains en Haïti».
Un contre-projet chinois mercredi proposait que le Conseil de sécurité «décide (…) que les États membres mettent en œuvre un embargo sur les armes légères et de petit calibre et les munitions» contre ceux qui participent ou soutiennent les gangs en Haïti.
Police régionale
Dans ses propositions, la Chine demandait aussi que le Conseil de sécurité de l’ONU puisse prendre des sanctions individuelles (gels d’avoirs, interdiction de voyages) contre des chefs de gangs dans les 30 jours après l’adoption de la résolution. Le texte américano-mexicain se borne à envisager cette possibilité dans les 90 jours.
Si Haïti reste sous pression pour engager un processus politique conduisant sans tarder à des élections présidentielle et législatives, une mention voulue par Pékin de demander au chef de l’ONU d’étudier avec des pays d’Amérique latine l’envoi d’une force de police régionale pour épauler les forces de sécurité haïtienne ne figure pas dans le texte de Washington et Mexico.
Ce dernier se limite à demander à Antonio Guterres d’étudier avec des pays de la région «les options possibles» pour renforcer la sécurité en Haïti, avec un rapport à remettre le 15 octobre prochain. Au moins 89 personnes ont été tuées en une semaine dans des affrontements entre gangs à Port-au-Prince, où les prix s’envolent et les carences de carburant s’aggravent toujours davantage, menaçant l’aide humanitaire cruciale pour les habitants.
Haïti et Taïwan
«La situation en Haïti ne pourrait être pire» avec «la violence des gangs qui s’intensifie à Port-au-Prince», avait indiqué jeudi après-midi à l’AFP une porte-parole de la mission diplomatique chinoise auprès de l’ONU. «Un embargo sur les armes contre les gangs criminels est le minimum que le Conseil doive faire en réponse à une situation épouvantable», avait-elle alors ajouté.
Selon des diplomates, les États-Unis et le Mexique, en abordant les négociations, n’avaient pas prévu d’aller aussi loin que ce qu’a proposé la Chine à l’occasion du renouvellement du mandat de la mission politique onusienne Binuh, qui expire vendredi soir.
Mais Washington n’est pas contre des sanctions, a indiqué l’un d’entre eux à l’AFP sous couvert d’anonymat. Il faut seulement que ce soit les bonnes, a-t-il ajouté, en jugeant aussi que l’imposition d’un embargo sur les armes ne peut se faire sans une résolution distincte incluant la création d’un comité de sanctions et d’un groupe d’experts onusiens chargés de leur application. Tout ceci «mérite davantage de travail», a insisté cette source.
Acteur-clé
Sur le dossier haïtien, Pékin est devenu à l’ONU un acteur-clé ces dernières années. La raison? Une volonté chinoise de représailles, assurent des diplomates occidentaux, après la reconnaissance de Taïwan par Port-au-Prince. Pékin dément établir tout lien entre les deux sujets.
Lors de réunions de l’ONU, la Chine se montre cependant de plus en plus virulente pour dénoncer un pays qui s’enfonce dans la crise politique et économique, en dépit de multiples aides internationales et de différentes missions de Casques bleus jusqu’en octobre 2019. En Haïti, il faut lutter contre le trafic des armes, pousser les autorités politiques à sortir de leur léthargie et menacer de sanctions judiciaires les responsables des violences, souligne auprès de l’AFP une source diplomatique chinoise sous anonymat.
Le projet de texte américano-mexicain «exige la cessation immédiate de la violence des gangs et des activités criminelles». Il prévoit une reconduction de la Binuh jusqu’au 15 juillet 2023 alors que les versions discutées jusqu’alors tablaient sur le 15 octobre 2023.