Commentaire: Le mouvement le plus étrange de la crise climatique

Le scénario se répète depuis plusieurs semaines. Les militants de Renovate Switzerland arrivent par surprise, comme samedi à Genève, et s’installent sur un axe de circulation pour le bloquer. Ils ou elles collent leur main sur le bitume. À moins de les écraser, les automobilistes n’ont d’autres choix que de patienter, ou pour les plus chanceux de faire demi-tour. Et si possible, personne ne doit perdre les nerfs face à l’apparente absurdité de tout cela.

Les activistes demandent au Conseil fédéral de débloquer 4 milliards de francs et de former 100 000 personnes à la rénovation thermique des bâtiments. La police arrive, les journalistes arrivent. Se pose la question, faut-il encore leur faire de la publicité? Si on n’en parle plus, ils pourraient arrêter de le faire. Avec ses revendications, le mouvement «Renovate», présent dans plusieurs pays, est sans doute le plus étrange dans le contexte de la crise climatique.

Des dispositions pour l’assainissement des bâtiments ont été prises par le Parlement lors de la session d’automne. Deux milliards d’aide sont prévus sur dix ans, mais il n’est pas possible de décréter la formation de 100 000 personnes pour cela. Peut-être qu’en Chine, le pouvoir peut prendre ce genre de mesures, mais en Suisse, on ne peut forcer personne à choisir un métier.

Dans l’histoire, on a vu des manifestations contre les guerres, contre les violences faites aux femmes, contre les bavures policières, contre la peine de mort, contre le prix de l’essence ou pour faire libérer une personne, pour l’avortement et pour des salaires meilleurs, mais des actions qui exigent l’isolation des bâtiments, c’est tout de même très spécial. Certes, on comprend le raisonnement: si les bâtiments sont mieux isolés, les émissions de CO2 baisseront et cela permettra de lutter contre le réchauffement climatique. Et là, tout le monde est d’accord, tout le monde aimerait bien vivre dans un bâtiment bien isolé, qui utilise l’énergie de la manière la plus économe possible. Le Conseil fédéral aussi aimerait que tout le parc immobilier helvétique soit le plus efficace du monde du point de vue thermique.

Les personnes qui participent à ces manifestations sont habitées par la conviction que leur sacrifice va sauver la planète et l’espèce humaine. Sans vouloir les offenser, si leur démarche est sincère, elle n’en est pas moins naïve. On est toujours dans cette tension de l’époque, que l’écologiste français Nicolas Hulot avait formulée ainsi: «Il faut combiner les problèmes de fin du mois avec les problèmes de fin du monde». Personne n’a encore trouvé la combinaison gagnante. Et, pendant ce temps, la température continue de monter.