FootballLudovic Magnin: «La mort a cueilli un gars extraordinaire»
Raphael Dwamena est décédé à 28 ans en plein match samedi. En 2018, il avait remporté la Coupe de Suisse avec le FC Zurich d’un Ludovic Magnin très affecté par la nouvelle.
- par
- Florian Vaney
Il a fallu trente secondes à Ludovic Magnin. Le temps que sa gorge se dénoue, que les mots puissent à nouveau en sortir. L’entraîneur du Lausanne-Sport venait de se montrer dithyrambique à l’égard de son équipe, le visage et le ton animés d’une sincère fierté, lui visiblement comblé d’en être le guide au quotidien. Il avait aussi profité de la conférence de presse d’après-derby face à Yverdon Sport pour se marrer avec son homologue nord-vaudois Alessandro Mangiarratti, qui n’a pas manqué de le charrier. «Pour une fois, je suis d’accord avec la façon dont Ludo a analysé un match», a-t-il notamment lâché après que Ludovic Magnin a livré son regard sur le 2-2 du soir.
Et puis, juste avant de partir rejoindre ses joueurs, le nom de Raphael Dwamena lui est parvenu aux oreilles. Break de 30 secondes, la gorge qui se noue, les yeux qui s’embuent.
«Une semaine de m…»
«La maman des frères Yakin, celle de Di Giusto (ndlr: Matteo, joueur de Winterthour), maintenant Dwamena. Quelle semaine de m…», s’est d’abord frustré le technicien au moment de retrouver la parole. «Raphael… On n’était plus en contact comme à l’époque, mais on continuait à s’écrire, de temps à autre. Il lui arrivait d’avoir une pensée pour moi après certaines victoires.»
Ensemble, les deux hommes avaient conquis la Coupe de Suisse 2017/2018, venue garnir le palmarès d’un FC Zurich où ils se sont côtoyés le temps d’un printemps. Ce trophée auquel l’entraîneur du Lausanne-Sport fait si souvent référence lorsqu’il s’exprime sur le thème de la Coupe. «Son cœur rendait la situation hyper délicate. Il avait des problèmes, il savait que ça pouvait lâcher à tout moment. Mais il a toujours fait le choix de jouer. Parce qu’il avait foi en le ciel, il n’avait peur de rien.»
Du Brighton Labeau dans l’attitude
La finale, Raphael Dwamena l’avait manquée. La faute aux deux cartons jaunes reçus en quarts et en demies. «C’était un gars extraordinaire, qui ne se plaignait jamais, qui acceptait son sort. De par sa situation, et par la concurrence avec Michael Frey, il ne jouait pas toujours autant qu’il l’espérait. Mais il ne se vexait pas, il comprenait.» Et Ludovic Magnin d’oser une comparaison. «Au Lausanne-Sport, il me fait beaucoup penser à Brighton Labeau. La même positivité, la même capacité à accepter les événements négatifs et à chercher à en sortir.» Le Martiniquais saura apprécier le compliment.
À l’été 2018, parce que les exigences médicales ne se valent pas dans chaque championnat, le transfert du buteur en Angleterre pour 10 millions de livres ne se réalisait pas. Depuis 2020, il vivait avec un défibrillateur automatique sous la peau. Et samedi, la mort est venue le cueillir en plein match du championnat albanais. Où, à 28 ans, loin des grands clubs que sa malédiction lui a empêchés de connaître, il continuait de faire ce qu’il préférait. Et Ludovic Magnin se demande: «Pourquoi ce genre de chose n’arrive qu’aux gens fantastiques?»