FootballDès son premier jour, Fabian Rieder est devenu une évidence
Il y a moins de deux ans, le milieu bernois de 20 ans faisait ses débuts en Super League à la Praille. Il retrouve Servette dimanche (16h30) avec un tout autre statut. Une progression naturelle.
- par
- Valentin Schnorhk
Le temps passe, et pourtant cela ne fait même pas deux ans. C’était en octobre 2020, le football croyait retrouver son public, puisqu’on avait pu laisser entrer 5000 personnes dans le Stade de Genève, ce soir-là. Bref instant de convivialité, avant que la pandémie nous revienne en pleine face. Mais avant ça, les cinq milliers de spectateurs présents ont eu droit à une première petite claque. Celle qui permet simplement de prendre conscience de ce à quoi l’on assiste: Fabian Rieder disputait son premier match professionnel, mais le jouait comme s’il en avait cent à son compteur.
C’était en effet à l’occasion d’un match contre Servette que le gamin âgé d’alors 18 ans a pointé dans le radar des suiveurs du football suisse. Il n’en est plus jamais sorti, et dimanche, au Wankdorf cette fois, c’est en joueur majeur de Young Boys qu’il doit retrouver les Grenat vingt-deux mois plus tard. Et désormais, les yeux des recruteurs de toute l’Europe sont bien tournés vers lui, même s’il a décidé de rester encore un peu à YB, prolongeant son contrat jusqu’en 2025 au passage. L’histoire d’un développement naturel.
Une part de chance
Même s’il y a aussi la petite histoire, celle qui comporte la part de chance sur laquelle a pu compter Fabian Rieder. À cette époque, Matteo Vanetta est l’entraîneur-adjoint de Gerardo Seoane. Il raconte le processus, bien plus rapide que planifié: «Quelques jours avant le match contre Servette, nous avions eu une séance avec Gerry, le directeur sportif Christoph Spycher et Fabian, se souvient-il. L’objet de la discussion était de définir la bonne manière d’intégrer partiellement pendant la semaine Fabian. Nous avions plutôt convenu qu’il s’entraînerait en début de semaine avec nous, avant de jouer avec les M21 le week-end. Et puis, il y a eu pas mal d’absences durant cette première semaine, et il s’est retrouvé titulaire le samedi à la Praille.» Intégration expresse, au point de lui confier les coups de pied arrêtés. Confiance totale.
Forcément, Rieder n’est plus jamais sorti du groupe. La question ne s’est même plus posée: «Il a d’emblée amené du dynamisme, de la clarté dans les duels et il a abordé le match avec la conviction de vouloir aller vers l’avant, dans les zones où cela fait mal à l’adversaire, décrit Vanetta. Il correspondait parfaitement à l’énergie positive de Young Boys. C’est un très bon exemple pour les jeunes: il n’a pas attendu son quatrième match pour se mettre dedans. Dès la première minute, il était là. C’était une évidence. D’ailleurs, après ça, nous n’avons jamais discuté de comment envisager la suite: il faisait partie de l’équipe.» Pourquoi frapper à la porte quand on peut l’ouvrir?
«Demandeur de travail»
Avec Fabian Rieder, il n’y a pas eu de fracas. Jamais. Lorsque Gérard Castella a été nommé directeur de la formation bernoise en 2017, le milieu de terrain était déjà là. C’est en M15 qu’il a rejoint YB, en provenance de Soleure. L’ancien entraîneur de Servette a le souvenir «d’un leader technique et mental. Surtout mental, c’est sa grande force. Lui, il va à l’entraînement pour être prêt le week-end. C’est un garçon focalisé sur le foot, bien entouré par sa famille et il a été bien couvé par Spycher, qui l’a guidé.»
Ceux qui l’ont connu ne tarissent pas d’éloges sur l’homme. «C’est une personne magnifique, intelligente, relève Mauro Lustrinelli, ancien sélectionneur des M21. Il est discret, mais on ne l’oublie pas. Il a la flexibilité et l’agilité mentale pour avoir une réponse immédiate lorsqu’on lui fait une blague par exemple. Sa mentalité est super.»
L’émergence n’est pas hasardeuse. Elle est réfléchie et supportée par une éthique de travail rigoureuse: «C’est un garçon exceptionnel, soutient Vanetta. Il est demandeur de travail, il a une grosse détermination. Il est humble, mais convaincu de ses moyens. Et il a la capacité d’analyser son corps. Il était par exemple conscient qu’il avait un certain retard sur les premiers mètres, alors il a demandé à travailler son explosivité.» Il a aussi développé sa vitesse, alors qu’il suivait l’école de recrues pour sportifs d’élite. Les points d’amélioration étaient identifiés.
À quel poste?
Parce que son profil doit lui donner toutes les garanties pour devenir encore plus important que ce qu’il n’est déjà. «Il est aussi tranquille en dehors qu’il est agressif lorsqu’il est dessus, souligne Lustrinelli. Il voit le jeu vertical et il est surtout capable de très bien se comporter sans ballon, notamment dans le pressing. Il fait mal.» L’avis est partagé: «Ce qui est frappant, c’est l’intensité qu’il est capable de déployer, mentionne Vanetta. Il peut aller mettre dix fois la pression sur le porteur, presque en sprint. Il ne calcule pas.» Castella renchérit: «Il a besoin d’avoir beaucoup d’activité, de courir. Il est très fort dans les duels et très précieux pour gagner des ballons. Moi, je l’ai toujours vu comme un relayeur.» C’est là qu’intervient la question de son meilleur poste.
Elle n’est pas centrale, mais elle permet d’orienter son avenir. À YB, il a essentiellement joué dans le cœur du jeu du 4-4-2 de Seoane. Parfois, la saison passée, David Wagner en a fait un milieu excentré, même si plus tourné vers l’axe que vers l’aile. En ce début de saison, c’est en tant que numéro dix de son losange que Raphaël Wicky l’aligne. «Il est certainement un joueur d’axe à vocation offensive, estime de son côté Vanetta. Il est capable de se positionner entre les lignes, parce qu’il est devenu beaucoup plus efficace sur sa première touche et son orientation.»
Gérard Castella, lui, lui reproche son inefficacité offensive: en 79 matches avec YB, Fabian Rieder n’a marqué que six fois (avec une quinzaine de passes décisives, sachant qu’il tire régulièrement les coups de pied arrêtés). C’est encore peu. Même si cela fait peu de doute: sa marge de progression est programmée pour gommer ce défaut. Et survoler la Super League?