JusticeLa Suissesse qui a tenté d’égorger deux femmes sur le banc des accusés
Lundi s’ouvre au Tribunal pénal fédéral de Bellinzone un rare procès pour terrorisme.
Une jeune Suissesse souffrant de problèmes mentaux est jugée à partir de lundi à Bellinzone (Suisse) pour «acte terroriste», pour avoir tenté d’égorger deux femmes en scandant son dévouement au prophète Mahomet dans un grand magasin à Lugano en 2020.
Le 24 novembre 2020, l’accusée, 28 ans au moment des faits, monte au 5e étage, rayon ménage, du grand magasin Manor de Lugano, demander conseil à une employée pour un couteau à pain et choisit une lame dentelée de 21 cm.
Elle immobilise alors une cliente lui tournant le dos, puis lui fait une entaille d’au moins 10 cm à la gorge qui, selon l’acte d’accusation, s’arrête «à quelques millimètres des gros vaisseaux sanguins».
Criant à plusieurs reprises «Allahou Akbar» et «Je vengerai le prophète Mahomet», elle frappe la victime à terre, la blessant aux avant-bras, aux poignets et aux mains.
Elle dirige ensuite la lame vers le visage d’une autre femme, en déclarant «Je suis ici pour l’EI», en référence au groupe djihadiste État islamique. La seconde victime réussit à la maîtriser avec d’autres personnes présentes sur les lieux jusqu’à l’arrivée de la police, et s’en sort avec une blessure à la main.
«Tombée amoureuse» sur les réseaux sociaux en 2017 d’un combattant djihadiste en Syrie, l’assaillante avait tenté de le rejoindre mais avait été arrêtée à la frontière turco-syrienne et renvoyée en Suisse.
Souffrant de problèmes psychologiques, elle avait été placée à son retour dans une institution psychiatrique, et n’était plus apparue dans des affaires liées au djihadisme.
«Tentatives répétées d’assassinat»
D’un père suisse et d’une mère d’origine serbe, l’assaillante s’était convertie à l’islam, selon «24heures», qui souligne que son mariage avec un demandeur d’asile musulman – dont elle est divorcée – a peut-être joué un rôle.
Elle sera jugée par le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone pour «tentatives répétées d’assassinat» et violation de l’article de la loi fédérale interdisant les groupes djihadistes Al-Qaïda et État islamique.
Elle est en particulier accusée d’avoir voulu commettre un acte «terroriste» au nom de l’EI, pour venger «le prophète Mahomet» et «les musulmans discriminés par le président français Emmanuel Macron». Lors de son procès devant le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone, elle devra également répondre de l’accusation d’«exercice illicite répété de la prostitution» entre 2017 et 2020.
La défense va s’appuyer sur son état mental pour réfuter le motif «terroriste», et plaider pour une tentative d’homicide. Le procès pourrait durer jusqu’au 5 septembre. Le verdict pourrait tomber le 19 septembre, mais la date pourrait être modifiée.
Si la Suisse n’a jamais connu d’attentat djihadiste à grande échelle, le pays a subi deux attaques au couteau en 2020: quelques semaines avant l’attaque de Lugano, un ressortissant turco-suisse de 28 ans avait mortellement poignardé un passant dans une rue de Morges (ouest).
Connu des services de police et libéré pour des raisons psychiatriques, il avait tenté de se rendre en Syrie en 2019 pour rejoindre l’EI avant de rebrousser chemin une fois arrivé en Italie.
Jamais d’attaques revendiquées de femmes
De telles attaques sont extrêmement rares en Suisse, mais plus fréquentes dans d’autres pays. Il est plus rare que l’assaillant soit une femme.
«L’EI n’a jamais revendiqué d’attaque commise par une femme», a indiqué Damien Ferré, fondateur de Jihad Analytics, société spécialisée dans l’analyse du djihad mondial et cyber. «Lors de la bataille de Mossoul (Irak), des journalistes avaient évoqué des attaques commises par des femmes mais cela n’a jamais été prouvé et le groupe n’a pas communiqué dessus», a-t-il ajouté.
Selon Christina Schori Liang, experte en terrorisme auprès du Geneva Centre for Security Policy, une fondation internationale, les cas de personnes endoctrinées en Suisse sont assez rares.
«Il y avait toutefois un groupe d’extrémistes à Winterthour, au nord-est de Zurich. Ces dernières années, un imam a été expulsé de la ville vers la Somalie pour avoir prêché la haine et une autre personne, surnommée l’«émir de Winterthour», a été condamnée à une peine de 50 mois de prison pour avoir recruté des combattants djihadistes», a-t-elle indiqué. «Une mosquée de la ville a également été fermée par les autorités pour incitation à la haine et à la violence», a-t-elle ajouté.