Royaume-UniLa justice juge illégal d’expulser des migrants vers le Rwanda
Le projet controversé du gouvernement conservateur a été jugé illégal par la justice britannique. La cour d’appel a estimé que le Rwanda ne peut en l’état être considéré comme un «pays tiers sûr».
La justice britannique a déclaré jeudi «illégal» le projet controversé d’expulser vers le Rwanda les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni, compromettant une mesure phare de l’arsenal du gouvernement conservateur contre l’immigration illégale. La cour d’appel a estimé que le Rwanda ne peut en l’état être considéré comme un «pays tiers sûr» car il existe «un risque réel que les personnes envoyées au Rwanda soient renvoyées dans leur pays d’origine où elles étaient en proie à des persécutions et autres traitements inhumains».
Violation des droits de l’homme
Toute expulsion vers le Rwanda constituerait «une violation» de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui dispose que «personne ne peut infliger à quiconque des blessures ou des tortures», a estimé la cour d’appel.
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«A moins et jusqu’à ce que les déficiences de son processus d’asile soient corrigées, envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda sera illégal», souligne la cour dans un résumé du jugement. Celle-ci a tenu à préciser que sa décision n’implique «aucun point de vue que ce soit sur les mérites politiques» de cette mesure, et que son seul souci est de juger si cette politique est conforme à la loi.
Malgré cette décision, «le Rwanda reste pleinement engagé pour faire que ce partenariat» avec le Royaume-Uni «fonctionne», a déclaré à l’AFP la porte-parole du gouvernement de Kigali, Yolande Makolo. «Si cette décision appartient en dernier ressort à la justice britannique, nous contestons le fait que le Rwanda ne soit pas considéré comme un pays sûr pour les réfugiés et demandeurs d’asile», a-t-elle ajouté. En matière de droits humains, le Rwanda est régulièrement épinglé pour sa dure répression des oppositions politiques et son non-respect de la liberté d’expression.
«Reprendre le contrôle»
Saluant une «rare bonne nouvelle dans le sinistre paysage des droits humains au Royaume-Uni», la directrice de l’ONG Human Rights Watch dans le pays, Yasmine Ahmed, a exhorté la ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, à «abandonner ce rêve fiévreux, impraticable et contraire à l’éthique». Plutôt que de traiter les êtres humains comme une cargaison qu’il expédie ailleurs, il devrait se concentrer à mettre fin à l’environnement hostile envers les réfugiés et les demandeurs d’asile», a-t-elle ajouté.
Malgré les promesses du Brexit de «reprendre le contrôle» des frontières, plus de 45’000 migrants ont traversé la Manche, depuis la France, à bord de petites embarcations en 2022, un record. Et ils sont plus de 11’000 cette année à avoir fait de même. En décembre dernier, la Haute Cour de Londres avait donné son feu vert au projet d’en expulser certains vers le Rwanda, projet depuis à l’arrêt en raison des recours en justice, jugeant le dispositif légal.
Mais les juges avaient accepté que soit examiné l’appel de plusieurs requérants et de l’association Charity Aid, qui apporte un soutien juridique aux demandeurs d’asile. Ils dénoncent un projet «injuste de manière systémique» et estiment que des demandeurs d’asile qui seraient expulsés vers le Rwanda risquent d’y être persécutés.
Le gouvernement a reconnu récemment que ces expulsions coûteraient près de 200’000 euros par personne. Mais le ministère estime que sur quatre ans, il pourrait économiser 123’290 euros pour chaque demandeur d’asile. Pour que le projet soit rentable, il faudrait que deux migrants sur cinq soient dissuadés de traverser la Manche, selon ces données.