Votations fédérales 2022Transplantation: le Genevois qui a frôlé la mort
En 2016, Niki Pirker a failli mourir car la famille du donneur avait changé d’avis au dernier moment. Il a créé ensuite la Reload Fondation, qui fait campagne pour la loi sur la transplantation.
- par
- Eric Felley
Niki Pirker est un acteur important en Suisse dans la cause du don d’organes. L’histoire de ce Genevois est pour le moins singulière. En 2013, il est atteint d’une maladie du poumon, une pneumopathie interstitielle, qui s’avère impossible à soigner avec de la cortisone. Son état de santé décline progressivement vers une fin inéluctable. En 2016, alors que les médecins ne lui donnent plus longtemps à vivre, il a la chance de bénéficier d’une greffe. Depuis, il se porte bien et refait du tennis. Mais cela aurait pu mal se terminer, et pas pour des raisons médicales.
«J’avais rendez-vous le matin à 7 heures pour faire l’opération, se souvient-il. Mais juste avant l’intervention, la famille du donneur a fait savoir qu’elle n’était plus d’accord». Il a fallu ensuite de longues heures de négociations entre les médecins, les proches du défunt et le futur greffé. La famille a finalement accepté que les poumons soient prélevés vers 16 heures. Niki Pirker a eu la vie sauve: «C’était juste, car durant les trois mois suivants, il n’y a pas eu de poumons».
70% des donneurs font défaut
Niki Pirker s’est rendu compte que la question du don d’organes était très peu connue en Suisse. Pour marquer sa reconnaissance, il a créé en 2018 une fondation – Reload Fondation – qui a pour but de faire connaître la transplantation en Suisse: «Le problème, c’est d’abord la communication. Il existe bien une carte de donneur et un registre suisse, mais ils n’ont pas de valeur légale, donc finalement seule la décision des proches au moment du décès compte». Et là, on estime à environ 70% les cas où la famille s’oppose au prélèvement des organes du défunt.
À l’instar des partisans de la loi sur la transplantation en votation le 15 mai prochain, il relève que tous n’ont pas eu sa chance: «Chaque semaine, 2 à 3 personnes décèdent en Suisse faute d’avoir obtenu un organe à temps». Il a participé au lancement de l’initiative «Pour sauver des vies» de la Jeune Chambre Internationale Riviera en 2019: «Je ne suis pas médecin et je ne fais pas de politique, l’important pour moi, c’est que l’on parle de ce sujet dans les médias, en famille et que les gens se positionnent».
Personne ne sera obligé d’être donneur
Le Parlement a voté un contre-projet à l’initiative, qui retient le consentement présumé au sens large, ce qui donne encore aux proches une possibilité de s’opposer. Un référendum a été lancé en Suisse alémanique, mais cela ne le gêne pas, au contraire: «La votation populaire permet à chaque Suisse de se poser la question s’il est un donneur ou non. Cela provoque une large discussion. Il faut surtout bien insister sur le fait que ce changement de loi n’oblige personne à devenir donneur. L’important est que les gens prennent une décision, c’est le doute qui est contre productif.»
«Ce n’est jamais une décision facile»
Face au sondage qui montre pour l’instant une acceptation du changement de loi, il se veut prudent: «Ce n’est pas aussi acquis que ce que disent les sondages. C’est un sujet complexe, on parle du corps, de la mort, d’éthique, de religion, à la fin ce n’est jamais une décision facile». Mais il reste positif: «Je suis persuadé que les Suisses sont majoritairement donneurs et je serai très étonné que le résultat du vote soit négatif. La Suisse doit aussi se rapprocher de la législation européenne, qui pratique le consentement présumé au sens strict».
Le sujet véhicule aussi des peurs parmi la population au sujet des greffes: «On peut dire que 25 ans en arrière, il y avait des décès, les greffes, ce n’était pas tout à fait ça… Mais aujourd’hui il y a une telle maîtrise médicale dans ce domaine. La technique est au point, on sait que ça marche. Donc, si on peut sauver des vies, on ne doit pas hésiter. Un seul don d’organe permet de sauver jusqu’à 7 personnes».