Amérique latineColombie: des milliers de migrants bloqués à court d’argent
Bloqués par manque de liaison maritime vers le Panama, près de 10’000 migrants souhaitant rejoindre les USA se retrouvent bloqués dans la ville de Necocli, la plupart sans le sou.
Des milliers de migrants qui tentent de rejoindre les États-Unis se retrouvent bloqués dans la ville de Necocli, sur la côte nord de la Colombie, un des points de passage pour atteindre le Panama voisin par la seule voie maritime.
Cet afflux toujours régulier s’était tari en 2020 en raison des restrictions imposées par le coronavirus et de la fermeture des frontières. Mais depuis leur réouverture, après les nombreux confinements et la grave crise économique qui a poussé de nombreuses personnes vers la pauvreté, Necocli voit défiler un flot incessant de candidats à l’exode.
Bloqués par manque de liaison maritime vers le Panama, près de 10’000 migrants se retrouvent bloqués là, la plupart sans le sou. La seule compagnie maritime locale qui effectue 12 traversées quotidiennes à travers le golfe d’Uraba jusqu’à Capurgana, ne permet pas de compenser le nombre d’arrivées quotidiennes, créant un goulot d’étranglement.
En 2019, quelque 5000 «migrants irréguliers» sont entrés au Panama par la province du Darién, bravant prédateurs et ravins dans la jungle pour accéder à la route principale qui remonte jusqu’à la capitale Panama. Mais depuis que la Colombie a rouvert ses frontières terrestres et fluviales en mai, Necocli, 45’000 habitants où l’eau potable est rare, voit un afflux inhabituel de migrants, dont beaucoup d’Haïtiens.
Sur la plage de Necocli, on entend désormais de la musique créole et les histoires de frustration et d’évasion abondent. Et surtout des problèmes d’argent.
L’Haïtien Remi Wilford est arrivé par voie terrestre du Chili, où il avait économisé 1200 dollars au cours des quatre dernières années en travaillant comme boulanger. Il a mis deux semaines pour arriver jusqu’à Necocli, payant 200 dollars un trajet de quatre jours en bus, 105 dollars pour entrer illégalement en Colombie depuis l’Équateur, et encore plus pour payer des pots-de-vin à la police, a-t-il expliqué à l’AFP. Il attend désormais depuis deux semaines pour embarquer sur un bateau qui le conduira à la frontière avec le Panama. «Il ne me reste que 150 dollars… il va être presque impossible d’aller plus loin», se désole-t-il auprès de l’AFP.
En Amérique du Sud, «vous travaillez pour des pesos et vous payez en dollars», se plaint Nelson Courcelle, un autre Haïtien, qui paie 25 dollars par nuit pour un hébergement pour lui, sa compagne et leur bébé de sept mois.
La survie en kit
Alors que le coronavirus a fait fuir les touristes des plages paradisiaques de Necocli, les habitants profitent des besoins des migrants, même si les autorités redoutent une crise sanitaire due à la pandémie et à d’éventuelles pénuries d’eau potable. «Les gens disent qu’il y a un problème ici, qu’à Necocli c’est le chaos. Non! Les gens travaillent», affirme Juan Pablo Guevara, 34 ans, qui a vu ses revenus décupler grâce à la location d’une chambre.
Outre un abri pour généralement 10 dollars la nuit, ils vendent aux candidats au voyage un kit de survie d’une valeur de 20 dollars comprenant une tente, une machette et un liquide qui repousserait les serpents lors de la future traversée de la jungle. «C’est très cher», se plaint Remi Wilford, qui partage une chambre avec quatre autres personnes. «On ne va pas rester ici, on veut juste s’en sortir sans nuire au pays», dit-il, assurant que des amis l’attendent aux États-Unis. Comme beaucoup d’autres, il a émigré il y a des années au Chili ou au Brésil mais son visa de travail n’ayant pas été renouvelé il se dirige vers le nord du continent à la recherche d’une «vie décente».