Jeu vidéo«Burning Shores»: côtes embrasées et lèvres en feu
On a terminé sur PS5 l’extension scénarisée de l’excellent «Horizon Forbidden West». Avec, en bonus, un baiser lesbien qui, sans surprise, a su faire fulminer quelques croisés «antiwoke».
- par
- Jean-Charles Canet
Au terme d’«Horizon – Forbidden West» (PS4/PS5), Aloy obtenait une victoire à la Pyrrhus: ses ennemis, les Zeniths (des humains milliardaires immortels longtemps exilés aux confins de l’espace après avoir précipité l’humanité terrienne dans le gouffre) sont vaincus mais Nemesis (une IA pas contente) laisse désormais planer une menace encore pire.
Ce nouveau danger majeur sera sans aucun doute au cœur du prochain épisode d’«Horizon» qui prendra quelques mois/années, avant d’être finalisé. En attendant, le studio Guerrilla Games se fend d’une extension scénarisée pour «Forbidden West» sobrement baptisée «Burning Shores» (Côtes embrasées). Un Zenith isolé a su rester dans l’ombre, ses sombres plans doivent être déjoués.
Il est à noter que le complément qui pourrait bien vous occuper une dizaine d’heures environ a la particularité de n’être disponible que sur PS5. En outre, l’extension n’est accessible que si la quête principale est achevée. Aloy recevra alors une invitation à se rendre dans la base d’altitude, et, après un bref briefing avec Sylens (à qui le regretté Lance Reddick prête ses traits), Aloy pourra se rendre dans la région de Los Angeles (ses volcans, ses ruines reconnaissables, sa peuplade marine).
Nouvelle carte, nouvelle quête principale, nouvelles quêtes secondaires, bestiaire mécanique augmenté et quelques activités annexes attendent Aloy associée à un nouveau personnage féminin qui vient lui porter main forte.
Nos impressions? D’abord et surtout un grand plaisir de retourner dans un monde postapocalyptique original qui, grâce soit rendu au dieu des pixels, se passe de zombies ou d’«infectés». On a eu un peu de peine à remonter sur le vélo mais, une fois cela fait, il a été difficile de lâcher la manette. Côté technique, la splendeur audiovisuelle de «Forbidden West» n’a pas pris une ride. L’absence de version PS4 fait que la nouvelle mouture est moins tirée vers le bas sans pour autant donner l’impression que des avancées visuelles majeures aient pu être introduites. En résumé, le jeu est plus beau mais à la marge. L’intensité du ressenti reste ainsi hautement subjective. Cela dit, la modélisation des personnages humains est clairement rehaussée.
Côté scénario, il faut bien reconnaître que la nouvelle trame introduite n’apporte pas grand-chose à l’ensemble. Le problème vient sans doute du fait que l’histoire de «Forbidden West» était déjà riche et fort bien bouclée. La grande menace à suivre était de plus déjà clairement établie mais ne pouvait être au cœur de l’extension. C’est pourquoi l’apparition de Walter Londra, antagoniste inconnu au bataillon, paraît un tantinet artificielle, forcée. Pas de quoi pour autant faire regretter ce retour en terres inconnues, le gameplay et la difficulté au crescendo soigné se chargeant de maintenir l’intérêt.
La partie finale axée essentiellement sur un interminable combat contre un boss de fin de niveau a cependant douché un tantinet notre plaisir. C’est pourquoi notre cœur balance entre satisfaction et déception. En sera-t-il de même pour vous? C’est une question à 20 francs, prix de l’extension.
Commentaire
Du petit-lait pour les antiwokes
Au terme de l’extension, Aloy rejoint Seyka, la jeune femme qui lui a prêté main-forte tout au long du périple. Le temps des adieux semble être venu. Les épreuves n’ont pas moins construit une solide amitié et Aloy redoute de devoir annoncer qu’il est temps pour elle de quitter la Côte embrasée. C’est ici que Seyka dévoile son sentiment amoureux. Comment Aloy va-t-elle réagir?
Trois options sont proposées: il faut choisir en substance (et de mémoire) entre un «Je ne mange pas de ce pain, là», «Je suis bien troublée mais je préfère qu’on reste amies» ou «Je t’aime aussi, embrassons-nous!» Cœur d’artichaut, on a choisi cette dernière option et on s’est vu offrir un magnifique patin sur la plage ensoleillée.
Par ce choix, on n’imaginait pas qu’on validait une propagande wokiste ourdie par des gauchistes putrides visant à imposer, par la force du message, une idéologie néfaste qui contamine toute l’industrie du divertissement et qu’il est impératif de combattre.
Notre naïveté a été de croire que la toute petite audace d’un studio de développement de jeux vidéo puisse par les temps qui courent se passer de réactions outrancières. Quelques heures après le lancement officiel de l’extension (le temps de parvenir au final), des antiwokes se sont en effet rués sur les sites d’agrégation de notes pour se livrer à l’exercice du review bombing, constatent les médias spécialisés. Cela consiste à attribuer un zéro pointé à une œuvre pour manifester un mécontentement ciblé et, possiblement, pour nuire aux concepteurs de ladite œuvre si, par hypothèse, leurs rémunérations devaient être proportionnelles à un score défini par avance.
Ainsi sur Metacritics, l’extension «Burning Shores» obtenait mardi un score critique plutôt élogieux de 83 sur 100 alors que le score des usagers s’enfonçait en fin d’après-midi à 3,9 (sur 10).
Le tout est agrémenté de commentaires qui expliquent, clairement pour les plus courageux, la nature de leur courroux. «L’histoire comporte une romance forcée (ce qui est factuellement faux, ndlr) qui a ruiné mon amour pour la franchise», peut-on lire. «Nous sommes dans un monde de divertissement, pas dans un monde rempli d’idées déviantes et erronées.», déplore un autre commentateur.
De là à affirmer que les commentaires négatifs exprimés étaient en majorité le véhicule d’une pensée ultraconservatrice douteuse née aux États-Unis, il y a un pas qu’on ne franchira pas. Une partie est nauséabonde, sans aucun doute, mais pas forcément l’ensemble.
Par souci d’honnêteté, on est même prêt à concéder avoir été nous-même surpris par cette possibilité in extremis d’orienter Eloy et Seyka vers une relation lesbienne alors que rien dans le récit qui précède nous y avait préparés. Mais on s’est contenté de penser: «Bizarre, cela pourrait être une maladresse narrative mais, finalement, pourquoi pas. En tout cas, pas de quoi fouetter un chat».
Il n’empêche que tout déferlement de dégoût, de haine et d’intolérance, surtout lorsqu’il est politiquement instrumentalisé n’en reste pas moins profondément inquiétant.