FootballDébat: pour ou contre les billets nominatifs?
En Suisse, le milieu politique et les polices ont l’idée d’obliger les spectateurs à décliner leur identité si la violence s’accentue dans les stades. Une bonne ou une mauvaise idée?



Scène captée dans les gradins du match Grasshopper-Winterthour du 12 mars.
Andy Mueller/freshfocusLundi, à l’occasion d’une conférence de presse conjointe, les autorités politiques, les commandants de police, la Swiss Football League et les clubs l’ont affirmé: si les incidents et les formes de violence dans et autour des stades de football devaient s’accentuer, ils n’hésiteront pas à introduire les billets nominatifs pour les spectateurs des matches en Suisse.
«C’est comme une épée de Damoclès qu’on suspend au-dessus des stades», a affirmé le Valaisan Christian Varone, au nom de la Conférence des commandantes et des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS). Puis d’ajouter: «Si la situation dégénérait, nous aurions désormais tout en main pour que les autorités politiques décident d’introduire des billets nominatifs.» En attendant, la feuille de route préconise des mesures en cascade, qui seront définies d’ici à la fin de l’année.
Alors, pour un contre le billet nominatif? Deux journalistes du matin.ch ont des points de vue opposés et en débattent.
POUR: Emmanuel Favre

Emmanuel Favre.
PATRICK MARTIN/24HEURESPlaçons ce thème si sensible dans le contexte de notre quotidien de 2023.
Est-ce incommodant de décliner son identité pour acquérir un sésame nous permettant d’assister à un match de football Servette-Sion?
Est-ce vraiment plus incommodant que de présenter son abonnement de train au scanner du contrôleur des CFF? Que de payer son café au K Kiosk avec sa carte de débit? Que de régler ses courses à la Coop avec sa carte de crédit après avoir effectué une scanographie de sa SuperCard? Que de savoir que nos téléphones dits intelligents bornent en quasi permanence sur des antennes qui permettent de nous localiser?
Spéculons.
Disons qu’on serait surpris si les farouches opposants aux billets nominatifs communiquent par l’entremise de pigeons voyageurs et règlent exclusivement leurs achats en argent liquide.
Leur point de vue ne semble donc pas uniquement motivé par des arguments liés à la protection de la vie privée. Il semble davantage consister à préserver les us et coutumes d’une zone de non-droit, où les règles élémentaires du respect n’ont pas toujours la même définition que dans les livres officiels.
Une fusée qui atteint le visage d’un enfant: c’est arrivé dans notre coin de pays. Un pétard qui provoque une perte auditive d’un spectateur: c’est aussi arrivé chez nous.
Des parents qui ne se rendent plus au stade afin de ne pas faire courir de risques à leurs enfants ou parce qu’ils aspirent simplement à passer leurs loisirs dans un environnement sécuritaire, cela arrive toutes les semaines.
C’est foncièrement regrettable.
Peut-être que ces personnes reviendront lorsque l’accès sera réservé à des spectateurs munis de billets nominatifs, par définition moins sujets à semer la zizanie derrière l’anonymat d’une cagoule.
Êtes-vous favorable aux billets nominatifs dans les stades?
CONTRE: Valentin Schnorhk

Valentin Schnorhk.
Sébastien AnexRendons hommage au travail conjoint des autorités politiques, des forces de police, de la SFL et des clubs: le rapport qu’ils ont dévoilé lundi fait un état clair des principaux problèmes de sécurité existants autour des matches de football en Suisse.
Ce qu’il dit? Que la violence liée aux supporters a surtout cours sur la voie publique ou dans les transports en commun. Mais pas dans les stades, où la grande majorité des matches concernés par des incidents le sont pour l’utilisation d’engins pyrotechniques, et pas pour des véritables faits de violence ou pour des déprédations.
Il ne s’agit pas de minimiser leur impact: mal utilisée, comme cela avait été le cas lors du dernier Servette-Sion, la pyrotechnie peut blesser. Mais relativement au nombre de matches où elle est de sortie (à des fins festives et de spectacle), c’est tout de même très rare.
Autrement dit, l’introduction de billets nominatifs (qui n’empêcheront pas les fauteurs de troubles de se déplacer) permettra surtout de faire la chasse aux fumigènes. Ses utilisateurs seront peut-être plus facilement identifiés ainsi (s’ils sont ouverts à montrer leur visage), mais cela ne résoudra pas de fait les problèmes hors des enceintes. On se trompe d’outil!
Ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard complet que la grande majorité des pays qui nous entourent, Italie exceptée, n’ont pas recouru aux billets nominatifs. Pourquoi, en Suisse, pays par essence consensuel et ancré dans l’échange, devrait-on préférer recourir au contrôle permanent?
L’implication de la SFL et des clubs dans le groupe de travail dédié permet de ralentir la marche. La feuille de route établie a aussi le mérite – comme cela peut notamment se faire en Allemagne – d’institutionnaliser le dialogue avec la majorité des parties prenantes. Dont les supporters, qui ne sont pas des sous-citoyens.