StreamingQuand Disney+ nous vend du rêve avec «Spider-Man»
La plateforme vient enfin de réunir 7 films du fameux tisseur. Mais la plupart ne sont disponibles ni en français, ni en anglais.
Depuis la récente «hype» autour de Spider-Man générée par le dernier volet en date, «No Way Home», on se réjouissait de pouvoir enfin revoir les meilleurs films du monte-en-l’air confortablement assis sur son canapé.
Premier réflexe: filer sur Disney+, terre d’accueil des superhéros Marvel… et n’y trouver que pouic! Suite à une bisbille entre Sony (détenteur des droits de Spider-Man dans le secteur audiovisuel) et la firme aux grandes oreilles (propriétaire de Marvel), les films du tisseur y étaient effectivement aux abonnés absents. En 2019, Sony avait pourtant bel et bien signé un accord avec Disney pour laisser sa poule aux œufs d’or intégrer le Marvel Cinematic Universe, et rejoindre ainsi les Avengers, mais le contrat ne portait que sur les droits de diffusion au cinéma et la firme japonaise continue donc de choisir où et comment ses films peuvent être vus en dehors du grand écran. On pouvait ainsi en retrouver certains sur des plateformes concurrentes, Netflix, Amazon Prime Video, Moviestar Plus en Espagne…
Mais depuis la semaine passée, la donne a changé. Disney+ vient en effet d’accueillir dans son giron sept longs métrages Spider-Man: la trilogie de Sam Raimi, avec Tobey Maguire dans le rôle-titre; les deux opus du reboot avec Andrew Garfield; «Spider-Man: Homecoming», premier volet avec Tom Holland; et enfin le film d’animation «Spider-Man: New Generation». Soit la quasi-totalité de la récente filmographie du tisseur, si l’on compte les 3 Marvel déjà disponibles où le monte-en-l’air ne tient pas la vedette: «Captain America: Civil War», «Avengers: Infinity War» et «Avengers: Endgame». Ne manque donc à l’appel que les deux derniers volets, «Far From Home» et «No Way Home».
Un Oscar pour Spider-Man
Génial! On trépignait d’avance à l’idée de revoir en tout cas deux des meilleurs films de superhéros de tous les temps: «Spider-Man 2», de Sam Raimi, et «Spider-Man: New Generation», cosigné par Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman. Dans le premier, libéré des chaînes de l’«origin story», Sam Raimi y développe un scénario foisonnant, où le personnage s’ancre enfin dans la vie d’adulte, avec toutes les difficultés qui en découlent, tout en se retrouvant confronté à son amour impossible avec Mary Jane. Surtout, plus personne n’est visiblement là pour calmer les ardeurs du cinéaste en matière d’expérimentations visuelles et sa mise en scène fait des étincelles. La scène où le Docteur Octopus se réveille à l’hôpital, alors qu’on tente de lui sectionner ses tentacules, est à ce titre sacrément représentative. Un véritable film dans le film où le réalisateur rend hommage à son propre cinéma en déployant un ahurissant sens de l’audace, de la virtuosité et du mouvement.
«Spider-Man: New Generation», lui, Oscar du meilleur film d’animation 2019, est une merveille à l’esthétique hybride, à cheval entre l’animation pop art et les cases de comics. Le film nous plonge dans une réalité alternative où Spidey est un afro-latino qui va se retrouver à côtoyer pas moins de 7 autres versions de l’homme-araignée. Soit une formidable déclaration d’amour, pleine de tendresse et de passion, pour celui-ci. À la fois drôle, poignante et furieusement inventive, là où les films live tournent depuis longtemps en rond.
La douche froide
Mais après l’hystérie déclenchée par «No Way Home» et la réunion des 3 Spider-Man dans le même univers, l’ajout de ces 7 films au catalogue Disney+ devait aussi nous permettre de naviguer entre ceux-ci pour y picorer nos scènes préférées de chacun des 3 interprètes: le fameux baiser renversé ou l’impressionnante scène du métro lancé à pleine vitesse pour Tobey Maguire; le joli moment de «The Amazing Spider-Man» où le héros tend son masque à un petit garçon coincé dans une voiture en feu pour lui donner du courage, du côté d’Andrew Garfield. Et pour Tom Holland, peut-être ses scènes de comédie avec Robert Downey Jr, alias Tony Stark.
Bref, on se réjouissait… Et la douche n’en fut que plus froide quand on a réalisé que cette exclusivité quasi mondiale (seule la Suisse, l’Allemagne, l‘Autriche et le Lichtenstein proposent ces 7 films dans leur catalogue) cachait en réalité un hic. Et de taille… Les doublages! Un seul de ces films – «Spider-Man: Homecoming» – est en effet disponible en version originale. Pire: seuls celui-ci et «Spider-Man 2» peuvent être visionnés en français! Pour les autres, il faudra obligatoirement pratiquer la langue de Goethe! Et franchement, qui a envie de se taper un Spider-Man en allemand?
Nœud inextricable
Alors après un premier moment de stupéfaction – le pop-corn encore à portée de main, nos doigts s’agitant fébrilement sur la télécommande tandis qu’on essaye désespérément de comprendre pourquoi certains films sont disponibles en chinois plutôt qu’en français ou en anglais (véridique!) –, on a la désagréable impression d’avoir été trompé sur la marchandise, attiré par une carotte qu’on découvre finalement gâtée. Disney+ nous prendrait-il pour sa vache à lait?
Reste à voir si l’on peut expliquer cet imbroglio… Difficile! D’abord parce que l’équipe Suisse de la plateforme n’a pas pu nous éclaircir sur la situation. Mais surtout parce que le problème des droits des personnages Marvel est assez chaotique. Certains ont changé de main à plusieurs reprises, affectant donc la distribution des films où les superhéros en question apparaissaient. Sans compter que les droits ne s‘appliquent pas de la même manière d’un territoire à l’autre. «L’incroyable Hulk», avec Edward Norton dans le rôle-titre (qui est bien un film Marvel, contrairement au «Hulk» avec Eric Bana), ne figure par exemple toujours pas au catalogue Disney+ Suisse. Alors qu’il est disponible en Espagne depuis l’an passé.
Là-dessus, Netflix est venu encore compliquer les choses en passant un contrat d’exclusivité avec Sony pour la diffusion des 3 derniers «Spider-Man» et ceux qui pourraient encore sortir jusqu’en 2026. Le géant du streaming pourra diffuser les films 9 mois après leur sortie en salles, et ce pendant un an. Ce n’est qu’après que Disney+ pourra les récupérer. Mais des accords différents pourraient être signés dans d’autres pays… Bref, sur ce coup-là, le tisseur semble bien emprunté: pas prêt du tout à pouvoir se dépêtrer de sa toile…