Tour de FrancePlongez dans la ruée vers l’Alpe d’Huez
Lematin.ch s’est arrêté dans certains lacets de la mythique ascension du col français, arrivée de la 12e étape du Tour de France ce jeudi.
- par
- Sylvain Bolt ,
- Christian Maillard Alpe d'Huez
Devant nous se dresse un mythe: la montée vers l’Alpe d’Huez. Vingt et un lacets, un théâtre à ciel ouvert de 717 à 1860 mètres d’altitude où se sont entassés, au bord de la route, des milliers et des milliers de spectateurs de tout âge et de toutes nations confondues. Depuis 1988 se trouve le virage des Hollandais, le numéro sept, le plus connu, là où il faut être.
C’est devenu le rassemblement de Bataves depuis que Joop Zoetemelk, Hennie Kuiper, Peter Winnen, Steven Rooks et Gerd-Jan Theunisse s’y sont imposés. Durant six jours et six nuits avant la course, la bière coule à flots et la sono hurle. On boit, on danse, on se déhanche, l’ambiance est survoltée en attendant les coureurs, souvent de très longues heures, sous la canicule et l’œil hilare des gendarmes venus s’assurer que les coureurs puissent passer.
Au passage du Tour, c’est là que bat le centre névralgique de ce mini-Festival. Plus de trente degrés ce jeudi où notre vieille Peugeot a terriblement souffert entre chaque lacet où on a croisé un Superman et plein d’autres fans déguisés. Avec tout ce monde, des trottinettes électriques et ces nombreux cyclos courageux (dont un môme d’une dizaine d’années avec un maillot jaune) slalomant entre les voitures et les bus des équipes, on a raté le virage No 16. Là, le «vieux» Maurice, 96 ans, qui a assisté à tous les passages du Tour, y compris le tout premier en 1952 et la victoire de Fausto Coppi. C’était six heures avant l’arrivée des champions…
«On a hâte de voir Jonas Vingegaard grimper l’Alpe d’Huez en jaune!»
Dans le virage 16 de l’ascension, Jasper et ses deux fils ont installé leurs drapeaux danois et une photo de leur héros Jonas Vingegaard sur le muret en bord de route. «Nous sommes montés à pied ce matin, on a marché environ 1h30, sourit le papa, qui a enfilé un t-shirt jaune de circonstance. On a choisi ce virage car ce n’est pas trop haut mais surtout parce qu’il y a un restaurant pas loin! C’est dingue, on a croisé énormément de compatriotes sur la montée!»
La famille danoise, qui a vibré sous la pluie lors du contre-la-montre inaugural à Copenhague, est tendue pour Jonas Vingegaard: «On a hâte de le voir grimper l’Alpe d’Huez en jaune, mais ça va être difficile aujourd’hui car Pogacar est revanchard!»
«On voulait vivre l’Alpe un 14 juillet, c’est le prestige!»
Nicolas et son fils Yanis sont montés en voiture la veille et ont campé au virage 14, afin d’y installer leur tente pour la nuit. «Il a fait chaud et il y a eu du bruit provenant du virage des Hollandais là-haut, se marre cet Auvergnat. Les locaux nous ont conseillé ce virage, en plus il y a un bar pas loin. On voulait vivre l’Alpe un 14 juillet, c’est le prestige!»
Quelques heures avant le départ de l’étape Briançon – Alpe d’Huez, ces fans de David Gaudu tremblent un peu pour leur héros. «J’ai un peu peur que notre David prenne 15 minutes», rigole Nicolas. «Bon, au pire, on a aussi Thibaut (Pinot) hein!» reprend son fils Yanis.
«C’est génial de partager cette même galère avec tous ces cyclistes!»
Parmi les nombreux cyclosportifs croisés sur l’ascension des 21 lacets, on croise la courageuse Isabelle, qui tire son fils Mateo, six ans. «Il a grimpé les premiers kilomètres tout seul, mais j’ai mis ensuite la corde pour le tirer, sourit la maman. Même à vélo électrique, je sue! Mais c’est génial de partager cette même galère avec tous ces cyclistes!»
Le duo attend le reste de la famille, qui est un peu plus bas. «C’est notre troisième étape sur ce Tour de France, nous étions déjà à Calais, à Arenberg sur les pavés mais aussi à Dôle, raconte Isabelle. Mais l’Alpe, c’est quand même mythique!»
«La fête avec les Danois a été monstrueuse cette nuit. C’est ça la magie du Tour!»
Depuis leur arrivée dimanche dans le virage 9, Liam (l’homme au bandana rouge) et ses amis belges sont devenus meilleurs potes avec des Norvégiens et des Danois. «Hier, on a vibré lors de l’exploit de Jonas Vingegaard et je peux vous dire que la fête a été monstrueuse cette nuit, hurle-t-il avec ce qu’il lui reste de voix. C’est ça la magie du Tour!»
Depuis le spot, les fêtards ont une vue dégagée sur la vallée. «Franchement, ça va être difficile de quitter ce paradis, sourit Liam. On est devenus fans de Jonas (Vingegaard) et on espère qu’il attaquera Pogacar dans notre virage. On repartira de toute façon pour une nuit de folie!»
«Il va y avoir une belle bagarre entre Pogacar et Vingegaard, ça va être sympa!»
Quand on habite au pied de l’Alpe d’Huez et qu’on aime le cyclisme, on n’a pas d’autres choix que de voir passer le Tour de France. C’est ce que se sont dit Camille et son frère Maxime, 17 et 14 ans, domiciliés à Bourg-d’Oisans. C’est donc à pied et avec un sac à dos qu’ils ont décidé d’effectuer quelques-uns des 21 lacets. «On ne sait pas trop où on va s’arrêter, on va chercher un endroit où il y a de l’ombre», s’exclame la grande sœur, passionnée, comme le frangin, de la petite reine depuis leur plus jeune âge.
«Notre père a fait aussi du vélo dans les années quatre-vingt-dix mais pas comme pro, renchérit son frère. On a tout de suite aimé ce sport en regardant les étapes à la télévision.» Pas de chance pour ces deux fans, Maxime rêvait de voir à l’œuvre Mathieu Van der Poel et sa sœur… Julian Alaphilippe. «Mais, clament-ils, avec ce qui s’est passé mercredi, il va y avoir une belle bagarre entre Pogacar et Vingegaard, ça va être sympa!»