Présidentielle 2020Fox News va payer 787,5 millions de dollars pour éviter un procès
La chaine conservatrice a préféré régler 787,5 millions de dollars pour éviter un procès en diffamation sur sa couverture de l’élection présidentielle américaine de 2020.
La chaîne américaine Fox News paiera 787,5 millions de dollars (706 millions de francs) à l’entreprise de machines de vote électronique Dominion, après un accord de dernière minute mardi qui lui évite un procès embarrassant sur sa couverture de l’élection présidentielle de 2020.
«Nous sommes heureux d’être parvenus à un règlement de notre différend avec Dominion Voting Systems», a déclaré dans un communiqué la chaîne préférée des conservateurs américains, peu après l’annonce d’un accord entre les parties par le juge qui devait présider le procès, devant une cour supérieure de l’État du Delaware.
La chaîne a aussi dit «prendre acte d’une décision de la cour jugeant fausses certaines affirmations concernant Dominion», alors que le juge avait déclaré dans une ordonnance du 31 mars qu’il était «clair comme de l’eau de roche qu’aucune affirmation sur Dominion lors de l’élection de 2020 (n’était) vraie».
«Conséquences»
De son côté, John Poulos, le patron de Dominion, a déclaré que Fox News avait «admis avoir raconté des mensonges» qui ont «causé de dégâts énormes à mon entreprise, nos employés et nos clients». «Rien ne peut réparer cela.» Dominion réclamait au départ 1,6 milliard de dollars (1,4 milliard de francs).
Selon des médias, l’accord épargne aux animateurs de Fox News un exercice humiliant: s’excuser à l’antenne, ou reconnaître avoir diffusé des mensonges. Il évite à la perle de l’empire médiatique de Rupert Murdoch de subir «le procès en diffamation du siècle» comme l’a qualifié le «New York Times». Et à Rupert Murdoch, 92 ans, la perspective de devoir peut-être témoigner à la barre.
Avant même les débats, la procédure avait donné lieu à un déballage embarrassant pour Fox News, avec la publication d’échanges de courriels ou de SMS montrant que des vedettes de la chaîne, et même Rupert Murdoch, ne croyaient guère, en novembre 2020, au scénario d’une élection truquée, pendant que les accusations faisaient florès à l’antenne.
Le procès était très attendu aux États-Unis, où il était vu comme un test pour les limites de la liberté d’expression, garantie par le premier amendement de la Constitution, tout autant que pour la lutte contre la désinformation. La sélection du jury avait pris fin mardi et les débats devaient commencer dans la foulée.
Bête noire de Trump
«Dominion», dont les machines fonctionnaient dans 28 États pendant la présidentielle remportée par Joe Biden, était la bête noire de la garde rapprochée de Donald Trump, qui l’accusait à longueur d’antenne et sans preuve d’avoir servi à truquer le scrutin.
Nombre d’électeurs de Donald Trump croient encore aujourd’hui que l’élection leur a été volée, et le paroxysme de cette contestation a été atteint le 6 janvier 2021, quand des milliers de ses partisans ont attaqué le Capitole, cœur de la démocratie américaine, pour bloquer la certification des résultats du scrutin de novembre 2020.
Si le dossier judiciaire était jugé solide, l’entreprise devait encore établir une volonté délibérée de mentir chez Fox News et le jury devait se prononcer à l’unanimité pour une condamnation. Incontournable dans le camp conservateur mais régulièrement accusée de se faire l’écho de théories conspirationnistes, Fox News jouait gros et voulait faire du procès un cas emblématique de la liberté de la presse.
«Vraiment fou»
Pour la chaîne, il était légitime de donner la parole au camp Trump quand il contestait le vote et «essentiel pour la recherche de la vérité» de laisser s’exprimer toutes les parties. Mais Dominion s’appuyait sur les discussions internes pour soutenir que Fox News mentait à dessein, pour ne pas perdre ses téléspectateurs acquis à Donald Trump.
Un «truc vraiment fou. Et dommageable», écrivait ainsi le 19 novembre 2020 à propos des accusations trumpistes le grand patron, Rupert Murdoch, à la patronne de Fox News, Suzanne Scott. «Il faut la virer», disait aussi l’une des vedettes de la chaîne, Tucker Carlson, en parlant d’un tweet d’une journaliste de la chaîne balayant les accusations de fraude. «Cela nuit considérablement à l’entreprise. Le cours de l’action est en baisse. Ce n’est pas une blague», ajoutait-il. Fox News accusait Dominion d’avoir procédé à une sélection tronquée et biaisée des messages.