PérouL’armée et la police vont débloquer les routes
La police et l’armée du Pérou vont dégager les routes bloquées par les manifestants qui réclament la démission de la présidente Dina Boluarte, a annoncé jeudi le gouvernement.
«La police nationale du Pérou, avec l’appui des forces armées, va effectuer le déblocage des routes du réseau national», ont annoncé jeudi soir les ministères de l’Intérieur et de la Défense dans un communiqué.
Les autorités ont recensé jeudi 88 barricades sur des routes dans 8 des 25 régions du Pérou. Ces barrages entraînent des pénuries de produits de base et de carburants, font grimper les prix et, selon le gouvernement, compliquent l’accès aux soins et l’arrivée des médicaments dans plusieurs zones du pays.
L’autoroute centrale qui relie les Andes et constitue la principale voie d’importation de produits alimentaires vers Lima a notamment été fermée. Des centaines de camions sont bloqués.
Le gouvernement a accusé les barrages d’être directement à l’origine de dix décès, dont ceux de trois enfants qui n’ont pu, selon lui, recevoir à temps les soins critiques dont ils avaient besoin. «À cette date, dix Péruviens innocents ont perdu la vie à cause de cet acte illégal», ont dénoncé les deux ministères dans leur communiqué.
«Droit à la vie»
Le droit de manifester «ne comprend pas le blocage des voies, et peut encore moins prendre le dessus sur le droit à la vie des personnes qui ont besoin d’être transportées pour recevoir des traitements (…) ou qui ont besoin que l’oxygène ou les médicaments arrivent dans leurs régions pour pouvoir continuer à vivre», ont-ils ajouté.
Le Pérou est en proie à une grave crise politique depuis la destitution et l’arrestation le 7 décembre du président socialiste Pedro Castillo, accusé de tentative de coup d’État pour avoir voulu dissoudre le parlement qui s’apprêtait à le chasser du pouvoir.
Les affrontements entre forces de sécurité et manifestants pro-Castillo, qui exigent la démission de Dina Boluarte et des élections immédiates, ont fait au moins 46 morts en six semaines. Dina Boluarte, ancienne vice-présidente et colistière de Pedro Castillo aux élections de 2021 et aux mêmes origines modestes et andines que lui, l’a remplacé conformément à la Constitution. Mais elle est considérée comme «une traîtresse» par les manifestants.
«Contre la dictature»
Cette crise reflète surtout l’énorme fossé entre la capitale et les provinces pauvres, notamment la région andine du Sud, qui soutenaient Pedro Castillo et voyaient son élection comme une revanche sur ce qu’elles considèrent être le mépris de Lima.
Jeudi dans la capitale, plusieurs centaines de personnes se sont encore rassemblées dans le calme sur la place Dos de Mayo. «Nous luttons contre la dictature de Dina Boluarte», a déclaré à l’AFP Eduardo Vazquez, un manifestant, en distribuant aux autres protestataires des rations de cau cau, un plat typique à base de tripes de bœuf.
Des affrontements entre manifestants et policiers ont cependant éclaté dans le centre historique de la capitale. Les uns ont lancé des pierres et des pétards, et les autres ont riposté à l’aide de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes.
À Juliaca, ville minière de la région de Puno (sud), les proches de victimes des manifestations ont demandé jeudi «justice» au gouvernement de Dina Boluarte. «Je ne demande que justice. Je vous demande de nous aider parce que personne ne me rendra mon frère», s’est exclamée, en larmes, María Samillán, soeur du médecin Marco Antonio Samillán, 31 ans, tué par balle lors d’une manifestation à Juliaca.
Dans cette région pauvre du sud des Andes, un affrontement avec les forces de l’ordre lors d’une tentative de prise de contrôle de l’aéroport le 9 janvier a fait 18 morts, dont un policier brûlé vif. «Chaque jour, j’ai l’impression de mourir moi aussi. Je ne peux plus vivre», a déclaré Maria Samillán lors d’une conférence de presse avec le Comité national de coordination des droits de l’homme (CNDDHH).
Les villes de Juliaca et de Puno, à plus de 1350 km au sud de la capitale Lima, ont été le théâtre des manifestations les plus violentes.