FranceAu procès de l’attentat de Nice, de deux à quinze ans de prison requis
L’accusation a reconnu que les peines réclamées mardi pour les huit accusés pourraient causer des «frustrations» pour les victimes. Le verdit est attendu le 13 décembre.
Au procès du sanglant attentat de Nice (sud-est de la France), l’accusation a surpris mardi en demandant à la cour d’assises spéciale de Paris de condamner Ramzi Arefa, l’un des trois accusés poursuivis pour «association de malfaiteurs terroriste», pour une «simple association de malfaiteurs de droit commun».
Ramzi Arefa «ne pouvait pas connaître la radicalisation» du tueur Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, qui a causé la mort de 86 personnes et en a blessé plus de 450 au volant de son camion de 19 tonnes sur la promenade des Anglais à Nice le 14 juillet 2016, a estimé le ministère public, qui a néanmoins réclamé 15 ans de détention à son encontre comme pour les deux autres accusés poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste, Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud.
Ces deux derniers «n’ignoraient pas la capacité (de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel) à commettre des actes en lien avec son idéologie radicale», a affirmé Jean-Michel Bourlès, l’un des trois avocats généraux du parquet national antiterroriste (Pnat) français, au terme de son réquisitoire. «Le doute n’est pas permis. Ils ont agi en connaissant ses discours, sa fascination, sa proximité avec l’État islamique» (le groupe EI, organisation djihadiste).
Réactions stupéfaites
En revanche, a poursuivi l’avocat général, Ramzi Arefa, accusé d’avoir fourni une arme à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, «ne pouvait pas connaître l’évolution et la radicalisation» du tueur, en raison de ses liens «récents» et moins fréquents avec lui. En conséquence, «nous vous demanderons de condamner Ramzi Arefa pour une simple infraction d’association de malfaiteurs de droit commun et non pour association de malfaiteurs terroriste criminelle», a-t-il dit, provoquant des réactions stupéfaites sur les bancs des parties civiles.
Le ministère public a réclamé 15 ans de prison à l’encontre de Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud en estimant que leur «proximité réelle» avec le tueur, la «connaissance de sa radicalisation», leur association «à des degrés divers» à la location du camion utilisé pour l’attentat et leurs «démarches positives pour (lui) fournir une arme» les rendaient bien coupables d’association de malfaiteurs terroriste.
À l’encontre des cinq accusés, dont quatre Albanais, poursuivis pour des délits de droit commun relatifs au trafic d’armes, le Pnat a requis des peines allant de 2 ans à 10 ans de prison, avec interdiction définitive du territoire français pour trois des quatre Albanais. Jean-Michel Bourlès et ses collègues du Pnat, Alexa Dubourg et Rachel Lecuyer, ont déployé durant près de huit heures des réquisitions soulignant notamment que les accusés devaient être jugés «exclusivement pour les faits qui leur sont reprochés».
«Singularité de l’horreur»
«Il y aura des frustrations, c’est inévitable», a lancé Alexa Dubourg en ouvrant le réquisitoire à trois voix du Pnat, rappelant qu’«aucun» des huit accusés devant la cour d’assises spéciale de Paris ne pouvait être jugé «comme s’il était l’auteur de l’attentat». Le Pnat a contredit ceux qui estiment que les accusés sont là «parce qu’on a cherché des boucs émissaires et qu’on a voulu un procès à tout prix».
«Il y avait des charges suffisantes pour qu’un procès se tienne. (…) Personne ne peut venir dire que le dossier est vide», a assuré Alexa Dubourg. Elle a rappelé «la singularité de l’horreur» de cet attentat, qui avait pris pour cible «des familles». 15 enfants et adolescents ont été tués par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel.
Si la représentante du Pnat a défendu le principe des autopsies judiciaires, parfois «nécessaires», elle a admis que le Pnat avait «failli» dans son «obligation légale» d’information des familles des victimes, ce qui avait engendré «une souffrance supplémentaire» et «une rupture de confiance avec l’institution judiciaire».
«Je ne comprends pas»
Les réquisitions ont provoqué la perplexité des parties civiles, qui ont assisté à l’audience depuis la salle délocalisée du palais Acropolis à Nice. «J’espère que la cour sera plus sévère que les réquisitions, je ne comprends pas ces peines demandées après tout ce qui a été dit à l’audience», a ainsi déploré Anne Murris, 62 ans, présidente de l’association Mémorial des Anges, qui a perdu sa fille Camille ce 14 juillet 2016.
Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud risquent 20 ans de prison maximum. Ramzi Arefa encourt quant à lui la réclusion à perpétuité, car il est en état de récidive légale en raison d’une condamnation pour vol en 2014. Après le réquisitoire et les plaidoiries de la défense, prévues du 7 au 9 décembre, les accusés auront une dernière fois la parole, le 12 décembre, avant que la cour se retire pour délibérer. Le verdict est attendu le mardi 13 décembre.