Qatar 2022Zuberbühler: «Pourquoi ne regarder que le négatif?»
A 51 ans, l’ancien gardien de la Nati vit et respire toujours football. Depuis 2017, il travaille également dans le département technique de la FIFA. A quelques jours du Mondial 2022, il dit son incompréhension face au flot des critiques. Et aussi pourquoi la Suisse ira loin.


Pascal Zuberbühler, ici à Doha en avril dernier, est convaincu que la Coupe du monde au Qatar sera un grand succès.
Toto Marti/Blick/freshfocusC’est un comble pour l’ancien gardien de l’équipe nationale. Mais Pascal Zuberbühler n’a pas pour habitude de mettre des gants. A 51 ans, le seul portier à ne pas avoir pris de buts en matches dans une Coupe du monde – c’était en 2006, en Allemagne – n’attend qu’une chose: le coup d’envoi, dimanche, du Mondial qatari.
Parce qu’il aime le foot, passionnément. Mais aussi parce que celui qui a rejoint le département du développement technique de la FIFA pour superviser la formation des gardiens en 2017 ne supporte plus le concert de nouvelles négatives qui accompagne la montée vers la compétition. Pas qu’il les conteste, mais, comme il le regrette, «parce que l’on ne regarde jamais ce qui a été fait de bien.» Conversation à bâtons rompus.
Pascal Zuberbühler, si vous étiez plus jeune, aimeriez-vous jouer le Mondial du Qatar?
Bien sûr! J’adorerais jouer cette Coupe du monde. J’ai déjà visité tous les stades du Qatar. J’ai également assisté l’année dernière à l’Arab Cup. Et quand je suis entré dans les stades, j’ai été émerveillé. Ce sont des enceintes parfaites pour le football, presque magiques. Rien que pour cela, je voudrais remonter le temps pour participer à ce Mondial. Je suis un ex-footballeur, j’adore ce jeu. Il n’y a rien de plus beau pour un joueur qu’une Coupe du monde. Pour moi, c’était en 2006. Ce sont des moments que tu gardes toujours dans ton cœur. (Pause) Mais j’ai bien compris la question. En vrai, vous voulez savoir si je serais parmi les joueurs qui refusent d’aller au Qatar à cause de toutes les polémiques.
Possible! Mais vos propos ne laissent planer aucun doute. Pourtant…
D’accord, parlons «droits humains». La situation n’était pas géniale dans le passé. Mais beaucoup de choses ont été faites et de nombreuses améliorations ont été apportées. Mais j’aimerais dire autre chose: un footballeur qui annonce vouloir boycotter ce Mondial en raison de ces problèmes doit aussi renoncer à partir en vacances dans les pays de la région. Il doit aussi se demander comment les hôtels de luxe y ont été construits et agir avec cohérence. Sans compter…
Allez-y!
Je ne suis pas un spécialiste. A la FIFA, ce n’est pas ma mission de savoir comment les Qataris ont organisé ce Mondial. Mais je suis certain d’une chose: quand tu demandes aux travailleurs présents au Qatar s’ils préfèrent retourner chez eux pour reprendre leurs anciennes activités ou rester à Doha pour travailler dans les stades, ils vont répondre qu’ils préfèrent rester. Encore une fois, je reconnais que le traitement des travailleurs n’a pas été fantastique. Mais je sais aussi que la FIFA a tout fait ces dernières années pour améliorer la situation.
«Est-ce un problème si notre président vit au Qatar? Qu’il veut être là-bas pour s’assurer que nous livrerons une bonne Coupe du monde?»
Vous semblez vraiment remonté…
Aujourd’hui, il n’y a rien de positif. Les droits humains, l’espionnage, la corruption dans l’ancienne FIFA… j’entends tout cela. C’est une vague infinie. Un média publie un chiffre et il est repris en boucle, sans vérification. Parce que ça marche sur internet. Mais, par exemple, est-ce vraiment envisageable, 6000 morts pour la construction de huit stades? Un autre exemple? Est-ce un problème si notre président (ndlr: Gianni Infantino) vit au Qatar? Qu’il veut être là-bas pour s’assurer que nous livrerons une bonne Coupe du monde, ce qui est une obligation? En passant, la vérité est qu’il habite toujours en Suisse. Mais non. On ne fait que vomir sur la FIFA Je ne comprends pas et je suis écœuré. Du coup, je me focalise sur le 20 novembre avec impatience, quand le tournoi va commencer.
Vous voyagez beaucoup. Récemment vous étiez en Inde pour le Mondial féminin U17. Est-ce que la perception négative qui vous révolte est partagée par toute la planète?
Non, le sentiment est souvent totalement différent. Le négatif prévaut en Suisse et en Europe. Voici une petite histoire qui illustre cette différence. En Inde, je me promenais avec un T-shirt FIFA autour d’un stade. Il y avait plein d’enfants. Un groupe de garçons est venu vers moi. Non pas parce que je suis un ancien joueur, mais à cause de l’écusson FIFA sur ma poitrine. Ils avaient les yeux qui brillaient et répétaient: «J’adore la FIFA, c’est la classe. On se réjouit de la Coupe du monde.» J’en avais la chair de poule. Et c’est comme ça dans beaucoup de pays du monde.
Maintenant que vous avez retrouvé le sourire, une question football. Qu’attend le département de développement du football de cette Coupe du monde?
Le tournoi, j’en suis persuadé, sera extraordinaire.
Pourquoi?
Comme nous sommes en novembre et décembre, les joueurs sont encore frais. Les corps sont habitués aux compétitions, comme les championnats ou les Coupes continentales, mais pas épuisés. Ils seront dans le meilleur de leur forme. Il sera intéressant d’observer les paramètres de performance. Je pense qu’ils seront plus élevés que par le passé. Avec Arsène Wenger on spécule déjà sur les différences. Et ma conviction est que l’on assistera à des matches avec une très haute intensité.
Et la chaleur?
Mais les températures s’annoncent idéales, 25, maximum 30 degrés. Avec les infrastructures parfaites, les conditions idéales! Et cette fois, l’excuse de la fatigue consécutives à une très longue saison ne pourra pas être exhiber. Notamment par les Anglais. Ceux-ci seront sous pression et je crois qu’ils iront très loin.
«Le secret de mon ami Murat Yakin, c’est le fait aussi qu’il se comporte de la même manière avec tout le monde, un roi ou une personne de la rue.»
Quelle autre équipe voyez-vous briller dans le tournoi?
La Suisse! Mon ami Murat (ndlr: Yakin) est l’entraîneur idéal pour réussir dans un Mondial. Il a à sa disposition des joueurs actifs dans les plus grands championnats. Et sa grande force est de savoir comment créer un groupe. Parce que dans un tel tournoi, la première condition pour réussir est de former un groupe soudé. Regardez en Russie: nous avions aussi une super équipe, mais le groupe s’est brisé. Les petits problèmes du départ sont devenus plus graves au fil des jours. Et contre la Suède, en 8es de finale, nous étions complètement perdus. Dans une Coupe du monde, tu dois être soudé du premier jour au dernier match. Créer cette union, composer avec les caractères de chacun, c’est le défi d’un staff.
Et quel est le secret de Murat Yakin pour y parvenir?
Son humilité, le fait aussi qu’il se comporte de la même manière avec tout le monde, un roi ou une personne de la rue. Il est toujours parfait: avec les joueurs, les fans, les dirigeants ou les sponsors. Il garde en permanence les pieds sur terre et comprend très bien les joueurs de la deuxième génération. Peu importe la situation, ses interlocuteurs ont l’impression qu’il est l’un des leurs. C’est la clé pour souder un groupe. Aujourd’hui, on ne peut plus jouer au petit chef. Ça ne marche plus. Et cela vaut pour le football, comme partout ailleurs.