Votations cantonalesSuicide assisté en Valais: «Mon oncle, je le préférerais mort»
Alors que le canton s’apprête à voter sur le suicide assisté en institution, la problématique de la fin de vie suscite un débat plus large autour de l’acharnement. Témoignage autour de «l’oncle Marcel».
- par
- Eric Felley
Le 27 novembre, le peuple valaisan se prononcera sur une loi qui règle la pratique du suicide assisté dans les institutions. Actuellement, environ la moitié des homes et autres EMS s’opposent à la venue d’Exit en leurs murs pour des raisons d’éthique. Cependant, le Grand Conseil valaisan estime, à l’instar des cantons de Vaud, Genève ou Neuchâtel, que ces institutions ne doivent plus pouvoir refuser le choix de la personne.
Dans un canton, où une partie de la population considère que l’on quitte cette terre selon la volonté de Dieu, l’opposition à cette loi vient des milieux conservateurs catholiques emmenés par l’ancien conseiller aux États Jean-René Fournier. Pour lui, les institutions doivent rester libres de choisir et de développer des soins palliatifs. À l’inverse, pour la majorité du Grand Conseil, c’est la liberté de choix de l’individu qui prime.
Le cas de «l’oncle Marcel»
Cette votation touche plus profondément la problématique de la fin de vie en Valais et ses conséquences qui sont parfois lourdes pour les familles. Ainsi pour Christian, prénom d’emprunt, cette loi ne va pas assez loin: «C’est déjà un pas dans la bonne direction, mais elle n’envisage pas la possibilité d’une euthanasie active ou passive, comme au Canada ou en Espagne». Il évoque ainsi le cas de son «oncle Marcel», révélateur d’une situation que vivent de nombreuses familles valaisannes. Depuis trois ans, cet homme de 80 ans a dû être placé dans un EMS du Valais central, dans la partie réservée aux malades d’Alzheimer.
Plus capable de discernement
Depuis, il est devenu méconnaissable: «Il ne reconnaît personne, explique son neveu, il est incapable de tout, plus capable de manger, de se laver, d’aller aux toilettes, de marcher, de parler ou même de regarder la télévision». Il y a six ans, l’entourage de Marcel avait constaté des premiers symptômes légers d’Alzheimer. Il est allé consulter un neurologue, qui lui a fait des tests sans pouvoir établir de diagnostic. La maladie a continué de progresser. L’année suivante, il est retourné chez le neurologue qui a finalement établi le diagnostic. «Deux ans étaient passés, note son neveu, et c’était alors trop tard pour songer à Exit, car Marcel n’était plus capable de discernement».
«On lui met des couches…»
Marcel a bien signé des directives anticipées en cas de problème grave, mais cela ne suffit pas: «Avec la maladie d’Alzheimer, observe le neveu, c’est un long calvaire, car les soins retardent l’échéance fatale, tout le corps médical le sait. Là se cache une forme d’acharnement, que mon oncle n’aurait jamais voulu. Dans ces conditions, il faudrait plutôt accompagner la famille pour le faire partir, pour le libérer». Quand il va le voir, il ne le reconnaît plus: «Il peine à lever la tête. Je le préférerais mort, c’est une question de bon sens. C’était quelqu’un de très actif, très vif, toujours les pieds sur terre. Aujourd’hui, on lui met des couches, on le nourrit à la cuillère ou à la sonde, on le lave, on l’habille, on le déshabille, il est totalement infantilisé…»
70 000 francs pour le home
Et il y a évidemment l’aspect financier. Oncle Marcel avait mis de l’argent de côté pour ses descendants, un montant qui est en train de fondre inexorablement: «Depuis trois ans, on ne fait que payer: environ 70 000 francs pour le home par année, environ 5000 de primes d’assurance-maladie et encore des impôts. Quand on voit que des gens dans cet état-là payent encore des impôts, sans le moindre rabais, c’est difficile à accepter. J’ai l’impression qu’autour du lit de mon oncle, tout le monde encaisse des milliers de francs, alors que l’on sait, depuis le diagnostic, qu’aucune rémission n’est possible».
La loi que le Valais votera le 27 novembre ne changera rien à l’avenir de l’oncle Marcel, sauf que le débat délie les langues et soulève d’autres tabous autour de la fin de vie dans le canton.