Neuchatel – Contrainte de quitter le camping: «J’ai perdu six kilos»

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NeuchâtelContrainte de quitter le camping: «J’ai perdu six kilos»

Résider à l’année au Fraso-Ranch de Lignières, ce n’est plus possible, au grand dam de ceux qui en ont fait leur lieu de vie.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé

Des résidents à l’année qui doivent quitter leur mobile-home aménagé, c’est le drame vécu au camping Fraso-Ranch de Lignières (NE). «C’est un choc qui nous rend carrément malades. J’ai perdu six kilos», dit Pierrette, venue de Domdidier (FR) avec son mari, il y a bientôt quinze ans.

Trente-sept résidents sont les otages d’un conflit entre les gérants et les autorités. Le contrat passé entre ces deux parties se situe depuis quatre ans au cœur d’un bras de fer juridique. Comme indiqué par le média «ArcInfo», les tenanciers bénéficient d’un droit de superficie de 49 ans sur terrain appartenant à la commune et placé en zone de loisirs.

Contrôle des habitants

«Notre contrat stipule que le camping ne peut pas faire office de domicile», reconnaît le gérant Philippe Geiser. Il a demandé l’abrogation de cette directive, mais la commune n’est pas entrée en matière. Sollicité, le Tribunal arbitral a confirmé la primauté du contrat liant les deux parties. Du coup, aucun résident ne peut habiter toute l’année au Fraso-Ranch: la durée du séjour est limitée à 150 nuitées par année.

Pour la doyenne Georgette, qui réside au camping la moitié de son temps, rien ne changera ou presque, à un mois près. Mais pour Pierrette et Gilles, c’est un drame qui provoque des sanglots. Pour vivre au vert, entre lac et montagne, le couple avait vendu sa villa de Domdidier.

À la retraite

Le camping génère de la solidarité. Installateur sanitaire à la retraite, Gilles accourt au moindre robinet qui coule. Le mois prochain, il retournera avec sa femme sur sol fribourgeois, où il a laissé ses papiers, mais à Sugiez. Leur chance: avoir trouvé un 3 ½ pièces au 2e étage d’une maison familiale, au bord du lac. Loyer mensuel: 1400 francs, contre 300 francs au camping pour une parcelle double.

Au Fraso-Ranch, leur chalet est à vendre. Un acquéreur s’est manifesté. Rendu autonome à force d’investissements, ce mobile-home amélioré vaut dans les 200 000 francs, un prix plus difficile à obtenir à obtenir quand on est pressé. «Moi, je refuse de partir sans avoir eu le temps de vendre mon bien correctement», dit une voisine genevoise, qui a déposé ses papiers chez sa fille au Landeron (NE).

Acte notarié

«Quand nous avons voulu déposer nos papiers, la commune a refusé», dit une résidente. Explication: le règlement d’aménagement communal et l’acte notarié conclu avec les tenanciers du camping lui interdisent de rester toute l’année au Fraso-Ranch. En clair: une place de résident ne peut pas constituer un domicile.

Derrière son guichet, la tenancière Sylvie Geiser comprend la tristesse des résidents qui doivent partir: «C’est l’horreur! Ne rien devoir à la société tout en vivant décemment, c’est un choix de vie». Une résidente explique son désarroi: «Ici, tout est meilleur marché. Quand on sera en appartement, on se retrouvera à l’assistance sociale».

En otages

La direction du camping a mis les points sur les i: «Nous ne pouvons que vous conseiller de tenir un décompte aussi exact de vos nuitées, afin de lever tous soupçons de fraude». Les résidents se sentent pris en otages d’un conflit villageois qui les dépasse, alors qu’ils ont tout fait juste, dans un camping ouvert en 1972.

«On est complètement dans la légalité! Quand on a toujours payé ce qu’il fallait, finir comme ça, c’est très moche», disent Pierrette et Gilles. «On a travaillé toute notre vie, mon mari a été licencié à 59 ans, est-ce qu’on mérite un truc pareil?» dit une voix.

Les campeurs ont écrit à la commune, mais la réponse obtenue ne les satisfait pas. Certains refusent de quitter leur lieu de vie: «Pour mes voisines de 80 ans, les gendarmes devront venir avec des menottes», dit un résident. Le mot de la fin appartient à la Genevoise, qui prend des somnifères: «On nous enlève notre liberté».

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