Cyclisme sur pisteCyrille Thièry: «Ça me rend triste de finir comme ça»
Cyrille Thièry a été hospitalisé la semaine dernière pour une embolie pulmonaire. S’il s’est voulu rassurant au moment d’évoquer sa santé, le pistard vaudois a néanmoins vu sa carrière prendre fin abruptement.
- par
- Chris Geiger
Cyrille Thièry ne s’était certainement pas imaginé fermer sa boîte à souvenirs de la sorte. Deux mois après avoir décroché un diplôme olympique à Tokyo, le Lausannois de 31 ans a été rattrapé par sa santé. Le multiple champion de Suisse sur piste a ainsi été victime d’une embolie pulmonaire la semaine dernière, près de deux mois après avoir ressenti «une forte douleur dans la jambe» lors du vol retour depuis le Japon. Joint par téléphone à sa sortie de l’hôpital, le coureur vaudois a assuré que «la situation est désormais sous-contrôle». Interview.
Cyrille Thièry, vous avez annoncé sur vos réseaux sociaux avoir été hospitalisé en raison d’une embolie pulmonaire. Tout d’abord, comment allez-vous?
Ça va bien, vraiment. L’embolie pulmonaire a été détectée tôt, ce qui a permis à mon corps d’éviter toutes éventuelles séquelles ainsi qu’une intervention chirurgicale. Depuis ma sortie de l’hôpital à Berne il y a quelques jours, je récupère bien. Je suis actuellement au repos forcé puisque les médecins m’ont vraiment déconseillé de faire du sport dans un premier temps. Mais, dès la semaine prochaine, nous pourrons faire le point avec les docteurs lors de mes contrôles. D’ici là, je dois prendre des médicaments afin de fluidifier le sang.
Les médecins ont-ils pu vous expliquer l’origine de cette maladie?
Non, ils ne savent pas exactement ce qui a déclenché l’embolie pulmonaire, mais le plus crédible serait la thrombose que j’ai subie en rentrant des Jeux olympiques. Ce sont des choses qui peuvent arriver lorsqu’on fait un long vol, comme c’était le cas depuis Tokyo, surtout que j’avais pris part à la poursuite par équipes le même jour. La récupération n’était donc pas optimale après de tels efforts. Il n’y a pas de certitude, mais ça semble être l’élément déclencheur le plus plausible.
Vous êtes rentré début août des Jeux olympiques. Plusieurs semaines sont donc passées avant votre hospitalisation…
Les choses ne sont effectivement pas extrêmement claires. L’embolie pulmonaire a pris du temps à se déclarer sous cette forme. Les symptômes connus de cette maladie, qui sont une énorme fatigue, des difficultés à respirer ou encore des douleurs dans la poitrine, sont apparus petit à petit. Je ne m’attendais toutefois pas du tout à un tel diagnostic lorsque je me suis rendu à l’hôpital. Je pensais alors à quelque chose de plus banal, comme un muscle déplacé.
Au Japon, vous aviez pris la 8e place de la poursuite par équipes. Pensez-vous que l’embolie pulmonaire a eu un impact sur vos résultats?
Non, j’étais dans ma meilleure forme aux Jeux olympiques. J’avais réussi à me préparer parfaitement pour ce qui était le grand rendez-vous de mon année. Je suis donc sûr que ça n’a pas eu d’influence sur mes performances du début de saison, y compris à Tokyo. Par contre, cette maladie a eu un effet négatif sur mes dernières courses sur route effectuées en septembre (ndlr: Tours du Doubs et de Bretagne).
Ce coup dur a également un impact sur votre fin de carrière…
A la fin des Jeux olympiques, j’avais effectivement annoncé ma retraite sportive au terme de la saison. J’aurais encore dû prendre le départ de quelques courses sur route avant de ranger mon vélo pour de bon. C’est donc dommage que ma carrière se termine de la sorte et ça me rend forcément triste de finir comme ça. Ma priorité va néanmoins à la santé. Ce contrecoup me permet également d’aller de l’avant et d’entamer mon processus de reconversion.
L’heure du bilan a donc sonné un peu plus tôt que prévu. Quels souvenirs allez-vous garder de votre carrière?
Il y a certes toujours des regrets sur des moments précis, des choses qu’on aurait pu mieux faire. Mais, globalement, j’ai quand même réussi à atteindre mes objectifs. Je suis allé à deux reprises aux Jeux olympiques, où j’ai décroché deux diplômes (ndlr: 7e à Rio en 2016, 8e à Tokyo en 2021). Cet événement est le plus important qu’un athlète puisse connaître. Ça restera donc évidemment le point culminant de ma carrière. J’ai également remporté des médailles aux Championnats d’Europe (argent à Apeldoorn en 2011 et à Glasgow en 2018) et suis monté sur plusieurs podiums sur des manches de Coupe du monde. Ce sont bien sûr de très belles performances, que j’apprécie d’autant plus avec le recul en me remémorant tout le travail effectué pour les obtenir. Je peux encore ajouter à mon palmarès quelques victoires sur route, même si les courses n’étaient pas très renommées. Je suis donc satisfait de ma carrière, laquelle m’a aussi permis de voyager à l’autre bout du monde et de découvrir d’autres cultures, ce qui a toujours été important à mes yeux.
Des prédispositions génétiques
Médecin chef au service de médecine du sport de l’Hôpital de La Tour, Finn Mahler est revenu sur l’embolie pulmonaire contractée par Cyrille Thièry. «Mon hypothèse est que la thrombose veineuse profonde qu’il a subi lors d’un long vol effectué en position fléchie a ensuite migré jusqu’aux poumons. Le délai de plusieurs semaines s’explique car le patient n’a pas donné de suite à sa douleur à la jambe. La thrombose s’est donc d’abord formée dans la jambe et est restée quelque temps sur place, la migration vers les poumons pouvant prendre relativement longtemps», a détaillé le spécialiste.
Pour ce dernier, la course effectuée par le pistard vaudois avant d’embarquer ne lui a pas forcément porté préjudice. «Il n’y a pas d’études qui prouvent que les personnes qui ont fait une activité physique juste avant un vol ont plus de risques d’attraper une thrombose. A l’inverse, il existe des prédispositions génétiques ainsi que des facteurs de coagulation qui peuvent varier d’un individu à l’autre. Il y a donc des gens qui sont plus sujets à ces thromboses», a poursuivi le docteur.
Avant de conclure en donnant quelques conseils afin de prévenir cette maladie. «Il existe évidemment des bas de contention, mais le plus important est de se lever régulièrement pour marcher. Les flexions plantaires et dorsales, au niveau du pied, permettent également d’irriguer et de pomper le sang depuis le mollet afin qu’il ne stagne pas», a rappelé Finn Mahler.