FootballCommentaire: La Suisse M21 disparaît avec ses secrets
L’aventure M21 a pris fin pour toute une génération avec l’élimination face à l’Espagne à l’Euro. Elle ne sera pas la plus belle de tous les temps. Peut-être aurait-elle pu l’être.
- par
- Florian Vaney
L’équipe de Suisse M21 était-elle trop belle, ou bien nous trop sots? Son parcours à l’Euro devait valoir comme le feu d’artifice d’une génération dorée, comme l’hégémonie de talents dans le parfait timing de leur exposition en clubs. La meilleure équipe espoirs de l’histoire du pays, promettaient certains. Peut-être avaient-ils raison. Aujourd’hui, ils ont tort. Parce que ce statut ne s’obtient qu’au prix d’un résultat exceptionnel. Pas d’un quart de finale arraché du bout des doigts. Le terrain a livré son jugement. Qui fera date, mais qu’il n’est pas interdit de remettre en question en se «demandant si»…
Qui dit grandes promesses dit grand potentiel. Les Suisses en avaient à revendre. Ils l’ont parfois camouflé, parfois effleuré. Lorsqu’ils l’ont partagé, c’était avec parcimonie. Et lorsqu’ils en ont eu le plus besoin, samedi en fin de match face à l’Espagne, ils n’étaient plus vraiment dans l’état de fraîcheur adéquat pour l’utiliser. L’histoire aurait pu être différente en échappant à la 2e place en poules, ce qui aurait voulu dire s’éviter un voyage de plus et une préparation raccourcie. Mais l’équipe du début de tournoi ne pouvait espérer mieux.
La sélection qui a débarqué en Roumanie avait bien le droit de nourrir l’espoir de devenir la plus grande, elle a surtout d’abord été une équipe brimée. Qui osait à peine aller déranger la Norvège, qui s’est fait marcher dessus pendant 45 minutes par l’Italie. Pour qui doit marquer les esprits, la prudence initiale de Patrick Rahmen n’a pas aidé. Le futur entraîneur de Winterthour a rapidement su se remettre en question, placer ses meilleurs éléments (les joueurs offensifs) dans des conditions plus avantageuses pour eux. C’est tout à son honneur. Ce cheminement symbolise finalement bien la réflexion: oui, très probablement, la Suisse aurait pu faire mieux. Dans un autre contexte.
En première mi-temps samedi, l’écart avec une belle équipe d’Espagne ne sautait pas aux yeux. Au contraire. Il s’est accentué avec le temps, avec la différence de niveau de fatigue. Logique. Mais comme en première période face à la France, comme lors de cette seconde mi-temps de feu contre l’Italie, les Suisses régataient face aux gros. Aux tout gros. À trois tout gros.
À regarder le parcours helvétique avec un soupçon de recul, il n’y a pourtant même pas matière à exprimer des regrets. Ou si peu. Le talent de cette génération est une chose certaine, mais il se mesure aussi à l’aune de sa capacité à aveugler son monde. Parce que cette équipe était avant tout celle de Super League, d’un championnat qui nous est familier, on a sans doute eu tendance à gonfler ses qualités. En oubliant que la Super League reste une division de deuxième zone. Réflexe et biais humains.
Au moment où les chemins se séparent, où les leaders du groupe doivent laisser leur place à ceux qui suivent, cette équipe s’en va avec ses secrets. Qu’un Euro n’aura pas suffi à révéler.