Guerre en UkraineLe chancelier allemand Olaf Scholz sous pression sur les ventes d’armes
Le gouvernement allemand a promis une multitude de livraisons d’armes à l'Ukraine, qui peinent à se concrétiser. Une valse-hésitation qui lui vaut des critiques à Kiev comme dans son pays.
Selon plusieurs médias, Olaf Scholz se rendra jeudi en Ukraine avec le chef de l’État français, Emmanuel Macron, et le chef du gouvernement italien, Mario Draghi. Ce déplacement arrive à un moment délicat pour le chef de gouvernement, accusé par ses détracteurs de trop de complaisance envers Moscou, à l’image d’Emmanuel Macron.
«Tous les dirigeants de nos pays partenaires, et bien entendu le chancelier aussi, savent parfaitement ce dont l’Ukraine a besoin, le problème est juste que les livraisons (d’armes) de la part de l’Allemagne ne sont pas au niveau où elles pourraient être», a tancé mercredi le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dans l’hebdomadaire allemand «Die Zeit». Et dans un autre entretien à la chaîne allemande ZDF, il a exhorté à «ne pas essayer de trouver un équilibre entre l’Ukraine et la relation avec la Russie.»
Entraînements nécessaires
Olaf Scholz se défend en assurant que l’Allemagne «fournira toutes les armes» promises, mais insiste sur la nécessité pour les soldats ukrainiens d’être d’abord entraînés à les manier. «Ce serait vraiment une bonne chose si les gens réfléchissaient un peu avant d’exprimer une opinion», a-t-il récemment lancé à ceux qui l’accusent de traîner des pieds. Berlin redoute que les critiques de l’Ukraine à son encontre, relayées presque quotidiennement par l’ambassadeur de ce pays à Berlin dans les médias, ne fassent finalement le jeu de la Russie.
Confusion
Pour Marina Henke, directrice du Center of International security, le vrai problème est l’état de «confusion» de la politique de la chancellerie allemande sur la ligne à suivre face à Moscou, après des décennies de partenariat étroit. «Il n’y a pas d’impression de cap clair», explique-t-elle à l’AFP, contrairement aux États-Unis, à la Grande-Bretagne et à de nombreux pays d’Europe de l’Est, qui ont identifié la Russie comme adversaire et sont en pointe dans les livraisons d’armements.
«Ici, en Allemagne, règne l’idée que la Russie est un pays gigantesque à notre porte et qu’à chaque décision il faut songer à comment nous allons faire pour vivre avec elle à long terme», analyse-t-elle.
«En faire aussi peu que possible»
Marcel Dirsus, de l’Institut pour la sécurité politique de Kiel, parle lui de «tentative presque délibérée d’en faire aussi peu que possible» pour l’Ukraine «et de se sortir de cette manière» du dilemme. Cette prudence semble, d’après les sondages, soutenue par une majorité de l’opinion allemande.
Sondages en baisse
Mais les atermoiements apparents de la politique suivie contribuent à la baisse du parti social-démocrate d’Olaf Scholz, distancé désormais par l’opposition conservatrice dans les intentions de vote et même dépassé par les écologistes, nettement plus favorables à une soutien militaire affirmé à Kiev.
Problèmes logistiques
Parmi les armes récemment promises par Berlin, figure le système de défense antiaérienne «Iris-T», censé protéger une grande ville d’Ukraine contre les frappes aériennes. Problème: juste après l’annonce du chancelier début juin, sa ministre des Affaires étrangères a prévenu que la livraison pourrait prendre des mois.
Des lance-roquettes Mars II, pouvant atteindre des cibles jusqu’à 40 km de distance, doivent en principe parvenir à l’Ukraine en août ou septembre, mais seulement si les soldats ukrainiens sont formés d’ici-là. Le problème est identique pour des canons à obus Howitzer annoncés en mai. Quant aux chars antiaériens de type Guepard, promis en avril, ils ne seront livrés au plus tôt qu’en juillet en raison d’un manque de munitions. Pendant ce temps, la Pologne reproche à Berlin de ne pas encore lui avoir livré des chars Leopard pour remplacer des équipements déjà livrés à l’Ukraine.
Manque de clarté
Conclusion pour le journal «Die Zeit»: «La politique allemande à l’égard de l’Ukraine est entourée depuis des semaines d’un brouillard fait de grandes annonces, de problèmes logistiques, de retraits tactiques et d’absence de clarté dans les discours.» Berlin parle à ce sujet d’«ambiguïté stratégique», mais pour l'hebdomadaire allemand «les Ukrainiens en paient le prix quotidiennement». «Clarté et honnêteté sont le minimum que Scholz doit amener en Ukraine», ajoute le journal.