TunisieInterdiction d’une manifestation de l’opposition prévue dimanche
Les autorités ont interdit jeudi une manifestation prévue dimanche du Front de salut national (FSN), la principale coalition de l’opposition, invoquant le «complot contre la sûreté de l’État».
Dans un communiqué, le préfet de Tunis, Kamel Feki, a indiqué que la demande «du prétendu Front de salut national» pour organiser une marche dimanche «n’a pas été approuvée car certains de ses dirigeants sont soupçonnés de complot contre la sûreté de l’État».
Le FSN, qui avait appelé à la manifestation pour dénoncer «les arrestations politiques et les violations contre les libertés publiques et individuelles», a contesté dans un communiqué le droit du préfet de l’interdire et annoncé qu’elle aurait lieu comme prévu dimanche à partir de 10 h (heure suisse) dans le centre de Tunis.
Une vingtaine de personnalités dans les milieux politiques, médiatiques et des affaires ont été arrêtées en Tunisie depuis début février. Ces arrestations, vivement critiquées par des ONG locales et internationales, ont notamment visé des figures politiques de premier plan du FSN et sa principale composante, le parti islamo-conservateur Ennahdha.
«Chasse aux sorcières»
Deux figures du parti, Sadok Chourou et Habib Ellouz, ont été arrêtées jeudi, selon les médias tunisiens. Ennahdha a affirmé dans un communiqué jeudi soir que les arrestations visaient à «terroriser l’opposition» et appelé les Tunisiens à «participer en masse» à la manifestation de dimanche. Le président Kais Saied, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021, a qualifié les personnes arrêtées de «terroristes» et affirmé qu’elles étaient impliquées dans un «complot contre la sûreté de l’État».
Amnesty International a qualifié la campagne d’arrestations de «chasse aux sorcières motivée par des considérations politiques».
Le communiqué du préfet de Tunis n’a pas mentionné en revanche une manifestation prévue samedi de la centrale syndicale, l’UGTT, dans le centre de Tunis contre «le pouvoir d’un seul homme» de Kais Saied. L’UGTT a annoncé jeudi qu’un syndicaliste espagnol qui devait participer à cette manifestation avait été interdit d’entrée en Tunisie
Bras de fer
Le 18 février, Kais Saied avait ordonné l’expulsion de la plus haute responsable syndicale de l’Union européenne, Esther Lynch, pour des déclarations qualifiées d’«ingérence flagrante» dans les affaires tunisiennes lors d’une manifestation de l’UGTT.
L’UGTT, très influente sur la scène politique, est engagée dans un bras de fer avec Kais Saied depuis l’interpellation le 31 janvier d’un responsable syndical dans la foulée d’un discours du président dénonçant une instrumentalisation du droit de grève «à des fins politiques».
Washington s’alarme de poursuites visant des personnes en contact avec ses diplomates
Les États-Unis ont dénoncé jeudi «l’escalade» en Tunisie en proie à une vague d’arrestations d’opposants et se sont inquiétés d’informations faisant état de poursuites pénales engagées contre des personnes ayant eu des contacts avec l’ambassade américaine à Tunis.
«Nous nous inquiétons d’informations selon lesquelles des poursuites pénales ont été engagées contre des individus en Tunisie, résultant apparemment de leurs réunions ou conversations avec des membres de l’ambassade des États-Unis», a déclaré le porte-parole du Département d’État américain, Ned Price. «Cela fait partie comme je l’ai déjà dit d’une escalade dans les arrestations de personnes perçues comme étant critiques du gouvernement» tunisien, a-t-il ajouté devant la presse.