Jeu vidéo«Assassin’s Creed – Mirage»: un recentrage gagnant
Resserrement du terrain de jeu et accent sur l’infiltration: les aventures de Basim à Bagdad gagnent en force et pertinence.
- par
- Jean-Charles Canet
Non loin de la bonne ville de Bagdad, en l’an de grâce 861, un certain Basim Ibn Ishaq abandonne son enfance de voleur des rues pour rejoindre la confrérie des Assassins (au moment des faits, ils sont encore qualifiés de «Ceux qu’on ne voit pas»). Il y apprend que la région est sous la coupe du corrompu Ordre des anciens, qui contrôle en sous-main – et sans ménagement – les aspects politiques et économiques de la vie régionale.
Le jeu «Assassin’s Creed – Mirage», qui sort officiellement ce jeudi 5 octobre (et non ce mercredi comme annoncé par erreur) s’ouvre sur un prologue au cours duquel certains aspects de l’enfance de Basim sont évoqués suivi d’une phase de recrutement et de formation au camp des invisibles, à quelques encablures de la ville circulaire. Une fois cela fait, il peut commencer ses activités d’assassin dans la ville et sa région, qui est grande et belle.
Avec «Mirage», les studios Ubisoft – menés par la section bordelaise de l’éditeur – ont effectivement renoncé à l’aspect jeu de rôle (RPG) en monde ouvert des trois précédents épisodes (soit le mesuré Origins, le très étendu Odyssey et l’interminable Valhalla) pour se recentrer sur un terrain de jeu resserré (encore vaste mais pas autant que ses prédécesseurs) et un accent porté sur la narration. Il s’agit d’un retour aux sources, vers ce que furent les AC jusqu’à Syndicate, sans pour autant avoir oublié de réfléchir à un gameplay basé avant tout sur la furtivité.
Le cadre est magnifique. La ville est superbement reconstituée, grouillante de vie et d’activités. Basim que l’on dirige en permanence peut se noyer dans la foule dense ou choisir des passages acrobatiques par la voie des toits et des terrasses surélevées. Tradition oblige, des points proéminents qu’il s’agit de gravir sont des points de synchronisation révélateurs d’activités dans la zone couverte par le promontoire. Testé dans sa version Xbox Series X, équivalente à la version PlayStation 5, on confesse en avoir pris plein les yeux avec une mouture qui tutoie les grosses productions actuelles du jeu vidéo sans pour autant démontrer une supériorité flagrante sur certains aspects, la modélisation des personnages en particulier, bonne mais encore perfectible. On reste néanmoins dans le très convaincant, voire l’impressionnant.
Et puis il y a les (en)quêtes que l’on déclenche en visitant les quelques bureaux d’assassins répartis dans la cité. Ce sont elles qui font progresser un scénario de très bonne facture qui conduiront à s’intéresser, après une vingtaine d’heures de pratique, à la tête de l’Ordre et au sort que la confrérie compte lui donner. En attendant ce point culminant, il y nombre de subalternes à éliminer. Les missions principales qu’offre cet «Assassin’s Creed» ont ceci de commun: elles réclament une connaissance du terrain et des effectifs qui protègent la cible principale. Une reconnaissance de notre aigle se révèle pertinente (pour autant qu’un tireur d’élite sur un des sommets de la forteresse ne le tienne éloigné).
La supériorité de la furtivité
C’est souvent à ce stade qu’on expérimente la supériorité de la méthode furtive, qui consiste à rencontrer les personnages utiles (détenteurs de clés par exemple ou indicateurs de porte dérobée), à éliminer les gardes en poste (si possible un par un et discrètement) et de se rapprocher de sa proie sans déclencher d’alerte et de fondre dessus telle la buse. Et lorsque le combat devient inévitable, mieux vaut éviter de se trouver encerclé. Un ou deux gardes à la fois, cela peut être gérable. Plus, c’est tout de suite galère, surtout au début.
En dehors de la trame principale, Basim se voit proposer toute une batterie d’activités secondaires, vider les poches d’habitants par exemple, qui lui permettent d’acquérir de nouvelles armes, de nouvelles techniques et de nouvelles tenues protectrices. Là aussi, autant le faire dans la discrétion, si possible, car si repéré par des témoins, le malandrin deviendra un homme recherché, dénoncé par les habitants et pourchassé par des gardes. À Basim dans ce cas de déchirer les avis de recherche affichés dans les rues ou de convaincre un crieur d’annoncer la (fausse) capture du criminel.
Pour tout dire, nous sommes sortis de ce «Mirage» avec un grand sentiment de satisfaction. Les auteurs de l’épisode sont parvenus à notre sens à proposer moins mais mieux. Mieux raconté, mieux géré, plus équilibré. Il s’agit à ce jour de notre «Assassin’s Creed» préféré. Une synthèse habile de tout ce qui fait la personnalité de la franchise sans donner l’impression de ressortir un «vieux» gameplay poussiéreux et sans se perdre dans le loot, le craft ou les points de puissance. Et puis, sur le plan de la réalisation, tous les départements qu’ils aient trait à l’ambiance musicale et sonore, au visuel, aux éclairages à la narration et à la reconstitution historique, sont à féliciter.