SuisseLes transports publics augmentent la vidéosurveillance
Les caméras de surveillance se démultiplient dans les transports et aussi les espaces publics du pays. Une offre qui réjouit la justice, mais qui n’augmenterait pas la sécurité.
La vidéosurveillance dans les lieux et transports publics a massivement augmenté ces dernières années. De 14’600 caméras installées dans les trains en 2015, les CFF indiquent en exploiter 24’400 aujourd’hui. Et au total, entre les bus et trams, les pendulaires sont ainsi confrontés à plus de 36’000 caméras (lire encadré), sans compter les systèmes de surveillance des nombreuses petites entreprises de transport du pays, indique le «SonntagsBlick» du jour. Il en va de même dans les espaces publics: Bâle affiche 1260 caméras de surveillance dans l’espace public, et à Zurich, on parlait déjà de 800 caméras en 2019 pour les seuls bâtiments scolaires de la ville, selon le journal dominical.
Des preuves en cas de plainte pénale
Les entreprises de transports publics expliquent l’évolution par l’extension de leurs offres et de leurs flottes. Et par le fait que les caméras sont désormais partie intégrante de l’équipement standard du matériel roulant, pour la sécurité du personnel et des passagers.
En cas d’agression contre le personnel, les images constituent des preuves importantes dans le cadre d’une éventuelle plainte pénale, selon un porte-parole des CFF. Et la surveillance permet d’organiser une aide immédiate en cas d’urgence: lorsque quelqu’un appuie sur le bouton SOS d’un train, des images sont transmises à la centrale d’intervention de la police des transports pour la suite des opérations d’aide.
Le sentiment de sécurité n’augmente pas
Ce qui semble judicieux à première vue, ne l’est pas pour Francisco Klauser. Après 20 ans de recherches sur les effets des caméras vidéo dans l’espace public, ce professeur de géographie politique à l’Université de Neuchâtel conclut qu’elles «ne rendent pas la société plus sûre». La surveillance n’empêche notamment pas les délits commis sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue, selon lui. Et le sentiment de sécurité de la population n’augmente pas durablement parce qu’il y a une caméra dans chaque train (lire encadré).
Utiles aux autorités judiciaires
Reste que les caméras sont utiles… après un délit ou un accident. Les autorités de poursuite pénale recourent ainsi toujours plus souvent au flot des enregistrements, note le journal zurichois. Rien qu’aux CFF, les ministères publics ont ainsi demandé environ 200 fois par mois du matériel vidéo en 2022.
Les caméras déplacent les problèmes ailleurs
«Les caméras ne résolvent pas les problèmes, elles les déplacent simplement ailleurs», explique Francisco Klauser, professeur de géographie politique à l’Université de Neuchâtel. Pour exemple, il cite l’Angleterre, où les centres-villes ont été presque entièrement équipés de caméras, mais sans que le taux de criminalité n’y ait diminué pour autant.
Plus de caméras, moins de personnel
Si les images des installations de surveillance peuvent être utiles pour élucider les actes de violence, il déplore que l’installation de caméras s’accompagne souvent d’une baisse du personnel. Par exemple dans les trains qui comptent moins d’agents de train, et dans les villes et communes, où l’installation de caméras va fréquemment de pair avec la réduction de la présence policière. «Une évolution discutable», pour le spécialiste.
Caméras par monts et par vaux
Outre les 24’400 caméras des trains et gares des CFF, le BLS, deuxième réseau ferroviaire suisse après celui des CFF, a multiplié le nombre de ses caméras en dix ans, passant de 630 à 2880, et les Chemins de fer rhétiques de 95 à 1723. Et dans les trains du Südostbahn, le nombre de caméras est passé de 380 à 1910 depuis 2017. Quant aux transports publics bâlois, ils comptent désormais 1622 caméras de surveillance dans leurs bus et trams, les transports publics zurichois 2688 et CarPostal environ 1200.
Pas de chiffres au niveau national
On ne dispose pas de chiffres sur le nombre de caméras dans l’espace public sur le plan suisse. Là où des chiffres fiables sont disponibles, la tendance est clairement à la hausse, note le «SonntagsBlick»: dans les cantons de Schwytz, Obwald et Nidwald, par exemple, le Préposé fédéral à la protection des données comptait 190 caméras vidéo en 2012. On en compte 610 aujourd’hui.