Session d’hiver – Révision de la LPP: «Partis bourgeois, vous allez trop loin!»

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Session d’hiverRévision de la LPP: «Partis bourgeois, vous allez trop loin!»

Le National est entré en matière mardi sur la révision de la loi sur la prévoyance professionnelle qui prévoit une baisse des rentes. La gauche va batailler ferme contre la droite accusée de torpiller le projet équilibré du Conseil fédéral.

Christine Talos
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Christine Talos
La question des retraites était au menu du National ce mardi.

La question des retraites était au menu du National ce mardi.

AFP

Après avoir tenté d’éliminer les divergences dans la réforme de l’AVS, le National empoignait mardi la réforme de la LPP, soit la loi sur la prévoyance professionnelle. Tous les partis ont décidé d’entrer en matière sur le projet pour faire face à la hausse de l’espérance de vie et aux faibles rendements des capitaux sur les marchés financiers. Mais gauche et droite vont désormais s’écharper sur la manière de procéder et sur les compensations à accorder aux bas revenus ainsi qu’aux temps partiels. Les débats ont été très émotionnels, la gauche parlant carrément de «sabotage parlementaire» à l’image de Léonore Porchet (Verts/VD).

Il y a urgence

«L'enjeu est de taille: comment, dans l'urgence du vieillissement démographique et du déficit croissant de notre système de retraites, s'entendre sur un projet susceptible de rassembler une majorité non seulement devant le Parlement, mais surtout devant le peuple?», a rappelé Benjamin Roduit (Centre/VS) au nom de la commission. «Il y a urgence à proposer non pas une usine à gaz, mais un projet concret qui permettra de financer nos retraites, sans étrangler la jeune population active, en préservant les rentes et en améliorant la couverture pour les emplois à temps partiel souvent exercés par les femmes», a-t-il conclu.

Pour rappel, deux grands projets sont sur la table. Soit le projet du Conseil fédéral élaboré avec l’aide des syndicats et de l’Union patronale suisse. Il prévoit de baisser le taux de conversion, qui détermine le montant des rentes du 2e pilier, de 6,8 à 6%. Ainsi si l’employé dispose d’un capital de 100’000 francs en quittant le monde du travail, il ne touchera plus que 6000 francs par année au lieu de 6800 francs. Il y aura donc une baisse financière. Une baisse que Berne entend compenser via un supplément de rente pour ceux qui partiront à la retraite durant les 15 premières années suivant l’entrée en vigueur de la réforme. Cela se ferait via un prélèvement solidaire de 0,5% de tous les salariés.

Pierre-Yves Maillard se fâche

Ce modèle soutenu par la gauche ne plaît pas à la droite du National. Et une majorité de la commission préparatoire, soutenue par les partis bourgeois, a élaboré un autre modèle qu’elle juge mieux ciblé. En effet, si avec le compromis du Conseil fédéral, tous les rentiers de la génération transitoire se verront accorder un coup de pouce plus ou moins important selon leur âge, seuls 35 à 40% d’entre eux recevront un supplément de rente avec le projet de la commission. «Comme la très grande majorité des caisses de compensation versent déjà aujourd'hui des rentes qui vont au-delà du montant minimal légal, il s'agit d'éviter l'effet arrosoir et de cibler les mesures sur les caisses versant des rentes proches du minimum et n'ayant que peu de réserves», a expliqué Benjamin Roduit. En outre, la droite entend favoriser l’épargne privée via une hausse des déductions fiscales pour le 3e pilier. Deux autres modèles sont encore sur la table plus ou moins généreux avec les futurs rentiers.

Pour la gauche c’est en trop. «Une majorité politique a détruit le compromis élaboré entre les syndicats et les partenaires sociaux, a tonné Pierre-Yves Maillard (PS/VD), à la tête également de l’USS. «Avec la proposition de la commission, il s’agirait de prendre 3 milliards chaque année aux salariés et aux employeurs sans améliorer les prestations!», a-t-il lancé. Pire selon lui, une bonne partie des salariés verront même leurs rentes baisser de 4,5 à 7%. «C’est du mépris pour les partenaires sociaux et pour le monde du travail!», a-t-il critiqué. «Mesdames et Messieurs des partis bourgeois, vous allez trop loin. Vous voulez faire reculer les prestations, vous n'êtes pas à la hauteur de l'Histoire et de vos prédécesseurs», a-t-il clamé.

Des propos qui ont fait bondir l’UDC bernois Albert Rösti: «Je suis déçu de voir qu’au premier débat, au premier Conseil, la gauche annonce déjà le torpillage de la réforme et un référendum», a-t-il lancé. En rappelant au passage que le compromis vanté par la gauche n’avait pas été approuvé par plusieurs organisations patronales importantes, comme l'Union suisse des arts et métiers ou GastroSuisse.

«Préserver les équilibres»

«Si quelqu'un pense pouvoir avoir une réforme sans les partenaires sociaux, "bonne chance!"», a rétorqué de son côté le ministre de l’Intérieur Alain Berset qui s’est dit «déçu» que la commission ait sorti sa propre proposition. Historiquement, les réformes de ce genre, complexes, n'ont aucune chance en votation s'ils ne sont pas à bord, a-t-il rappelé. «Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas toucher au projet. Mais il faut préserver les équilibres et en gardant en vue les objectifs principaux de la réforme», a-t-il conclu.

Les parlementaires se sont lancés désormais dans l’examen technique des différents modèles proposés. Les débats doivent continuer mercredi et la semaine prochaine.

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