FranceUn ex-berger sur le banc des accusés pour l’assassinat d’un élu
Acquitté en première instance, un ancien berger de 33 ans va retrouver les Assises, vendredi à Bastia, pour l’assassinat en novembre 2017 d’un élu local, un crime qu’il a toujours nié.
Lors du premier procès, en décembre 2020 à Ajaccio, émaillé d’incidents, le jury avait acquitté l’accusé, conduisant le parquet général à faire immédiatement appel d’un verdict qui avait stupéfié les enquêteurs et le ministère public. Patrick Julien, 52 ans, adjoint au maire de Soccia (Corse-du-Sud), avait été trouvé mort au volant de son tractopelle, dont le moteur tournait toujours, touché par deux tirs de chevrotine mais surtout un tir mortel de balle de gros calibre à la tête.
Antoine Pietri, alors éleveur de chèvres et aujourd’hui installé dans l’Hexagone dans le maraîchage et la coupe de bois, a toujours clamé son innocence, avec deux grèves de la faim et de la soif pendant sa détention provisoire.
Douilles retrouvées
Selon l’enquête, il avait eu «une altercation» avec la victime six jours avant les faits et un différend les opposait concernant le terrain où le meurtre a eu lieu. Un fusil à pompe appartenant à M. Pietri avait été trouvé, avec des munitions pouvant correspondre à celles utilisées, et deux étuis portant une trace d’ADN du berger avaient été trouvés sur le lieu du crime.
Pour expliquer la présence de ces douilles, M. Pietri avait expliqué aux enquêteurs qu’il se rendait régulièrement sur ce terrain avec ses chèvres et qu’il avait pu tirer en l’air un ou deux jours avant pour les appeler. L’éleveur avait cependant donné deux versions de son emploi du temps le jour du meurtre.
En l’absence de témoins directs, l’heure de l’assassinat, estimée entre 14h30 et 16h30, devrait être à nouveau au cœur des débats, M. Pietri ayant été vu par plusieurs personnes en début d’après-midi à Orto, village voisin de Soccia (Corse-du-Sud) où ont eu lieu les faits.
Un seul ADN
A Ajaccio, l’avocate générale avait requis 25 ans de réclusion criminelle à l’encontre du berger, assurant qu’il avait «tué avec préméditation» et que même s’il n’y avait «pas d’aveux», il y avait «des certitudes»: «Sur les lieux des faits, seul son ADN a été retrouvé».
En réponse, les trois avocats de la défense avaient plaidé pendant cinq heures l’acquittement de leur client en conspuant le travail des enquêteurs accusés d’avoir «tout foiré», la juge d’instruction «inexpérimentée», l’expert «qui vient au secours des gendarmes», le «fiasco» de la reconstitution, des témoins et des pistes «laissés de côté» et des «réquisitions imbuvables».
Après moins de trois heures de délibéré, les jurés avaient acquitté l’accusé. «On attend l’acquittement» une nouvelle fois, a indiqué à l’AFP Me Paul Sollacaro, l’un des trois avocats d’Antoine Pietri avec sa sœur, Ana-Maria Sollacaro, et Me Dominique Paolini.
Audition d’experts psychiatre et psychologue
«On est sur la même ligne» qu’en première instance, c’est-à-dire qu’Antoine Pietri «va clamer son innocence comme il l’a fait depuis le début et nous allons refaire le travail de critique de l’instruction et démonter une à une les charges qu’on a voulu faire peser sur notre client», a-t-il ajouté. Du côté des parties civiles et de Me Stéphane Nesa, qui représente la mère de la victime, l’espoir est que «justice puisse être sereinement rendue», a-t-il dit à l’AFP.
Vendredi, après la désignation des jurés et la présentation des faits, la cour devrait se pencher, via l’audition d’experts psychiatre et psychologue, sur la personnalité du berger, qui ne comptait au moment des faits à son casier judiciaire qu’une condamnation de quatre mois de prison avec sursis pour usage de stupéfiants.
L’audition des enquêteurs doit avoir lieu mardi, et au fil de ce procès, une quarantaine de témoins doivent être entendus d’ici à vendredi, avant les réquisitions, les plaidoiries de la défense et le verdict, attendus samedi dans un planning dense et jugé «intenable» par la défense.