JusticeAttaqué par son ex, Juan Carlos obtient l’immunité, mais…
Mardi, la justice britannique a décidé que l’ancien roi d’Espagne pourrait bénéficier de l’immunité durant son règne. En revanche, il pourra être jugé pour les faits survenus après son abdication.
L’ex-roi d’Espagne Juan Carlos a remporté, mardi, une manche face à son ancienne maîtresse qui l’accuse de harcèlement: la justice britannique lui a accordé l’immunité jusqu’à son abdication, en 2014, sans mettre fin à la procédure. Car la plupart des faits reprochés se sont déroulés après cette date et sont susceptibles désormais d’être débattus dans un procès embarrassant pour l’ex-monarque en exil âgé de 84 ans.
Corinna zu Sayn-Wittgenstein-Sayn a été la maîtresse de Juan Carlos entre 2004 et 2009. Elle affirme qu’après leur rupture, à partir de 2012, elle a été espionnée et harcelée pendant huit ans sur ordre de l’ancien monarque.
Des menaces
Cette femme d’affaires danoise de 57 ans mais aussi ses enfants auraient subi des menaces. Sa maison aurait été visitée. Il aurait exigé qu’elle lui rende des cadeaux, tels que des œuvres d’art, des bijoux ainsi que de l’argent pour un montant de 65 millions d’euros. Elle a porté plainte pour harcèlement en octobre 2020, à Londres, où elle vit. Elle réclame une indemnisation pour préjudice psychologique et perte de revenus due à l’anxiété, ainsi qu’une ordonnance d’éloignement.
Mais l’ex-roi, qui vit en exil depuis 2020 aux Emirats arabes unis, et dément fermement les accusations, avait engagé une procédure judiciaire pour obtenir l’immunité. En mars, la Haute Cour de Londres avait considéré qu’il ne bénéficiait pas de l’immunité personnelle, n’étant plus chef d’Etat ou membre de la famille royale, même dans le cas des actions antérieures à son abdication.
«Progresser vers un procès»
Mais mardi, en appel, les juges britanniques ont estimé que les faits reprochés à l’ancien monarque pendant la période «antérieure à l’abdication» étaient couverts par l’immunité «dans les tribunaux» du Royaume-Uni. Cependant cette décision d’appel ne met pas fin à la procédure, car la plupart des faits dénoncés par Corinna zu Sayn-Wittgenstein-Sayn, également connue sous le nom de Corinna Larsen, sont postérieurs à 2014.
«La demande de Corinna peut maintenant progresser vers un procès devant la Haute Cour de Londres», a réagi son avocat Michael Kim. «La plus grande partie de la plainte de Corinna (...) n’est pas affectée et devrait être jugée. Elle soulève des allégations très sérieuses de harcèlement qui se sont poursuivies sur une longue période, qui seront examinées en détail lorsque le procès aura lieu», a-t-il ajouté.
Colère dans le pays
La relation de Juan Carlos avec Corinna Larsen est devenue publique en 2012, lorsque le monarque s’est cassé une hanche pendant des vacances au Botswana. La révélation, survenue sur fond de chômage record en Espagne, avait provoqué la colère dans son pays.
Ayant accédé aux fonctions de chef de l’Etat en 1975, après la mort du dictateur Franco qui l’avait désigné pour être son successeur, le roi Juan Carlos Ier a été salué à l’international des décennies durant, et respecté au niveau national, pour avoir permis le retour de la démocratie en Espagne.
Popularité en berne
Sa popularité s’est effondrée après des scandales personnels, dont la relation qu’il entretenait avec Corinna Larsen, et des révélations sur son train de vie fastueux en Espagne, à partir de 2012. Juan Carlos a abdiqué en 2014 au profit de son fils Felipe VI, qui a pris ses distances avec lui.
La procédure judiciaire a lieu à un moment où un podcast controversé, intitulé «Corinna et le roi», réalisé par deux journalistes londoniens, rencontre un succès certain en Espagne. Corinna zu Sayn-Wittgenstein-Sayn y confie combien sa relation lui a ouvert les portes d’un monde «dangereux» et raconte comment elle s’est retrouvée mêlée contre son gré aux enquêtes pénales en Espagne sur l’origine de la fortune de Juan Carlos. Des enquêtes pour corruption et malversations classées depuis mars.