FootballHumeur: Romario, la légende, la réalité…
L’extraordinaire champion du monde de 1994 veut rechausser les crampons à 58 ans. Quand la nostalgie se fracasse sur le présent.
- par
- Daniel Visentini
Peut-être que tout cela part d’un bon sentiment, c’est en tout cas l’argumentaire choisi. Romario, légende du football brésilien, champion du monde en 1994 aux États-Unis, veut rechausser les crampons à 58 ans. Président de l’América de Rio de Janeiro, il invoque la nécessité d’aider le club à retrouver la première division et la perspective d’évoluer au côté de son fils, Romarinho. C’est louable, mais est-ce vraiment raisonnable?
Il y a 15 ans, après avoir mis un terme à sa carrière en 2007, c’était pour d’autres raisons qu’il voulait enfiler le maillot de l’América de Rio, à 43 ans: surendetté, condamné par un tribunal pour évasion fiscale et mis sous séquestre, obligé de payer une amende de 900 000 dollars, il avait été contraint de vendre son luxueux appartement. Il comptait en 2009 sur le foot pour se remettre à flot. Grandeur et décadence?
Quinze ans plus tard, il veut donc jouer encore. À 58 ans, est-ce bien raisonnable? Romario, dans l’imaginaire collectif, cela restait un joueur fabuleux, imprévisible, hors normes. Un petit génie, poursuivi par ses humeurs ombrageuses et ce sentiment d’être le meilleur du monde. Il l’a sans doute été et c’est sûrement la nostalgie de ce passé-là qu’il veut faire revivre aujourd’hui, encore, comme si c’était possible.
Mais cela n’est plus possible. Il y a quelque chose de faussement tendre à voir une légende d’hier se persuader qu’elle peut toujours, dans le théâtre du présent, inspirer les émotions folles d’antan. L’art du dribble, c’était sa marque de fabrique: aujourd’hui, il se prend lui-même à contrepied.
Ou alors on se trompe. À 58 ans, Romario va jouer, déclasser l’adversité, marcher, oui, parce que courir vraiment sera compliqué, mais marcher avec grâce, pour porter à lui seul son club vers les sommets, comme il le faisait avec le Brésil en 1994. On voudrait presque y croire. Mais on n’y arrive pas. Pas plus que lui?