Afrique du Sud  – Ambiance de fin de règne aux 110 ans du parti de Nelson Mandela

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Afrique du SudAmbiance de fin de règne aux 110 ans du parti de Nelson Mandela

Le parti ANC, qui domine la vie politique sud-africaine depuis 1994, est ébranlé par un rapport sur la «corruption d'État» à l’œuvre sous la présidence de Jacob Zuma entre 2009 et 2018.

Les heures glorieuses de l’ANC et de sa figure tutélaire, l’ancien président sud-africain Nelson Mandela (entre 1994 et 1999, photo), paraissent aujourd’hui lointaines.

Les heures glorieuses de l’ANC et de sa figure tutélaire, l’ancien président sud-africain Nelson Mandela (entre 1994 et 1999, photo), paraissent aujourd’hui lointaines.

AFP

La fête a été gâchée: les caisses sont vides, les dernières élections ont été catastrophiques et des têtes risquent désormais de tomber. Le Congrès national africain (ANC) au pouvoir en Afrique du Sud, parti de libération autrefois héroïque, a marqué samedi son 110e anniversaire dans une ambiance de fin de règne. Dans les gradins du stade de Polokwane, dans la province du Limpopo (nord-est), quelques centaines de «camarades» en jaune, vert et noir, les couleurs du parti étaient présentes, loin des foules bruyantes de partisans charriées dans des bus que l’organisation a souvent été capable de rassembler.

«Corruption d'État»

Le Covid avait évidemment imposé ses règles et la foule devait être limitée à 2000 personnes. Mais la publication quelques jours plus tôt de la première partie d’un rapport attendu sur la corruption d’État sous l’ère de l’ex-président Jacob Zuma (2009-2018), appelée dans le pays «les neufs ans perdus», a assombri les esprits. Le document de plus de 800 pages de la commission d’enquête du juge Raymond Zondo, contenant près de quatre ans de témoignages dont certains accablants, a été remis mardi au président Cyril Ramaphosa qui devra annoncer en juin d’éventuelles poursuites.

Le Président sud-africain Cyril Ramaphosa, lors de l’anniversaire des 110 ans de l’ANC, samedi à Polokwane.

Le Président sud-africain Cyril Ramaphosa, lors de l’anniversaire des 110 ans de l’ANC, samedi à Polokwane.

AFP

Suspensions à venir

Plusieurs membres du parti sont susceptibles d’être concernés. Et selon la règle de la «mise à l’écart» désormais observée par l’organisation dans sa tentative de faire peau neuve et éradiquer la corruption, les membres faisant l’objet de poursuites pénales sont suspendus. «Cette commission était une idée de l’ANC. Nous allons étudier le rapport et montrer comment il aidera le parti à se reconstruire», a déclaré un membre du parti.

«Fauché»

La veille, les caciques de l'ANC ont joué une traditionnelle partie de golf et invité ses généreux donateurs à un dîner. Mais les festivités devaient être limitées pour minimiser les dépenses d’une organisation en perte d’aura mais aussi en manque d’argent: «Nous avons voulu éviter des dépenses exorbitantes», a expliqué à l’AFP Ronald Lamola. Le ministre de la Justice et membre du parti a décrit dans un euphémisme des finances «stables qui doivent être gérées occasionnellement».

Depuis des mois, le parti historique a dû mal à payer les salaires de ses employés qui manifestent régulièrement au pied de son siège à Johannesburg. Selon une source politique, l’ANC est bel et bien «fauché» malgré une récente campagne d’appels à donations: «Y compris les impôts impayés, le parti a un trou d’au moins 400 millions de rands (23,3 millions de francs).»

Demande de pardon

Samedi le «plus vieux parti de libération d’Afrique» comme il se désigne lui-même, s’en est remis aux dieux «pour que le pays retrouve sa grandeur», par la voix de ses représentants sur Terre. Un moine bouddhiste et plusieurs prêtres anglicans ont prié et demandé pardon pour les «péchés» commis: «Nous avons tiré ce grand mouvement si bas qu’il a été méprisé».

Revers électoral

Lors des élections locales en novembre, la majorité des inscrits sur les listes ne se sont même pas déplacés et le parti est passé sous la barre des 50% des voix, pour la première fois de son histoire. Depuis les premières élections démocratiques en 1994, l’ANC a pu bénéficier d’un statut de parti «de la lutte» révéré au sein de la vaste majorité des Noirs sud-africains. Et l’incertitude à chaque scrutin portait jusqu’ici sur sa marge de victoire.

Désormais les représentants du parti sont hantés par la possibilité d’une défaite aux élections générales en 2024. Même si la plupart d’entre eux sur la pelouse du stade ont fait bonne figure en répétant: «Le parti n’échouera jamais. Il n’a jamais échoué.»

(AFP)

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