MobilisationJournée de manifestations pour des hausses de salaire en France
Plus de 100’000 manifestants, selon le Ministère de l’intérieur, sont descendus dans la rue mardi en France pour réclamer des hausses de salaire.
«Si l’on ne bloque rien, on ne nous entend pas»: des dizaines de milliers de personnes sont descendues mardi dans la rue en France pour réclamer des hausses de salaire face à l’inflation et protester contre les réquisitions de grévistes dans les raffineries.
Au total, 107’000 personnes ont manifesté dans le pays, selon le Ministère de l’intérieur, «près de 300’000» selon le syndicat CGT, organisateur de cette journée de «mobilisation et de grève» interprofessionnelles, avec d’autres syndicats et organisations de jeunesse. Lors de la précédente journée du même type, la CGT avait dénombré moins de participants (250’000) mais l’Intérieur davantage (118’500).
«Beaucoup de salariés sont sur le fil du rasoir. Nous, on s’est séparés d’une voiture, je fais 15 km à vélo pour venir travailler. C’est aussi faire attention aux courses, aux activités. Oui, tout simplement c’est dur», a expliqué à l’AFP Magali Mallet, secrétaire médicale, qui manifestait à Montpellier, dans le sud-ouest de la France.
Onze interpellations
À Paris, le cortège – fort de plus de 70’000 manifestants selon la CGT, 13’000 selon la police – a défilé derrière une banderole appelant à des augmentations salariales et au «respect du droit de grève». Des incidents sont survenus en fin d’après-midi, avec quelques vitrines brisées par des casseurs et des affrontements, notamment à coups de projectiles, entre des manifestants vêtus de noir et les forces de l’ordre.
Onze personnes ont été interpellées, selon le préfet de police. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a fait état de «huit agents légèrement blessés», tandis que la CGT a déploré six blessés à la suite d’une «charge policière». De nombreux secteurs avaient appelé à la mobilisation: fonction publique, énergie, transports publics, routiers, agroalimentaire, commerce…
Dans l’industrie pétrolière, d’où est parti le conflit qui perturbe fortement depuis près de deux semaines la distribution de carburant, la grève se poursuivait chez TotalEnergies. Elle était modérément suivie dans les transports en commun parisien (RATP), avec un trafic des métros presque normal, mais celui des bus perturbé.
Du côté des trains de la SNCF, il n’y avait pas de problèmes majeurs sur le réseau, malgré des perturbations en région parisienne et un train régional sur deux. Sur le quai du RER (Réseau express régional) gare de Lyon à Paris, les passagers étaient résignés, habitués aux perturbations qui touchent souvent cette ligne, grève ou pas. Léonore Lopez a dit arriver avec «plus d’une heure de retard. Donc ça a été galère.»
Amélioration pour le carburant
Outre l’«augmentation des salaires», le mouvement vise à dénoncer les réquisitions de grévistes mises en œuvre par le gouvernement pour faciliter la distribution de carburant. «Il y aura des réquisitions autant que nécessaire», a prévenu le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.
«Chaque fois que ces réquisitions ont été attaquées, nous avons gagné en justice (…) parce que les juges ont considéré que c’étaient des réquisitions qui étaient proportionnées», a souligné le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu.
La Première ministre Élisabeth Borne a fait état, mardi, d’une «amélioration sensible» de la situation, avec moins de 25% des stations-services désormais perturbées, au lieu de près d’un tiers le week-end dernier. «On va continuer de faire le maximum», avait affirmé, lundi, Emmanuel Macron, en ajoutant vouloir que cette crise «se règle le plus vite possible».
«Un problème de salaires»
Le gouvernement veut aussi se montrer à l’écoute des Français affectés par l’inflation. Gérald Darmanin a estimé mardi qu’il y avait «un problème de salaires» en France et appelé une «partie du patronat à augmenter les salaires quand c’est possible».
Premier syndicat de France, la CFDT a décidé de rester à distance du mouvement, ne croyant pas en l’efficacité des manifestations interprofessionnelles pour obtenir des augmentations salariales dans les entreprises. Selon un sondage du cabinet Elabe, 49% des Français désapprouvent la mobilisation quand 39% y sont favorables.
Outre le sujet des salaires et des réquisitions, d’autres ingrédients attisent la colère sociale. Comme la perspective de l’usage par le gouvernement, pour faire adopter le budget, de l’article 49.3 de la Constitution, qui permet à l’Exécutif de faire voter une loi sans vote (ce sera «probablement» le cas mercredi, selon Olivier Véran), le durcissement à venir des règles d’indemnisation des chômeurs ou encore la réforme des retraites.