États-UnisPrivé de pluie, le Midwest se prépare à des récoltes catastrophiques
Dans cette région agricole essentielle pour le pays, le stress hydrique empire. Les prévisions de rendement pour trois cultures majeures – blé, maïs et soja – ont dû être revues à la baisse.

Le Kansas, le Nebraska et le Dakota du Sud assurent, en temps ordinaire, un tiers de la production américaine de blé d’hiver et un quart du maïs. Mais cette année, l’absence de pluie a grillé les récoltes.
REUTERSRendements en chute libre, champs volontairement non moissonnés, la sécheresse qui prive le Midwest américain de pluie depuis des mois coûte cher aux fermiers, dans une région agricole essentielle pour le pays. Le manque d’eau affecte les trois cultures majeures aux États-Unis, à savoir blé, maïs et soja, pour lesquelles le Ministère de l’agriculture (USDA) a dû récemment revoir en baisse sensible ses prévisions de rendement, en moyenne nationale.
Sur les 1600 hectares environ de la ferme Tucker, à Venango (Nebraska), «on n’a pu en moissonner que 200 à peu près» cette année, explique Rachel Tucker. Du blé, essentiellement, «mais une bonne partie du reste a grillé au soleil». La sécheresse a aussi attiré les sauterelles, qui menaçaient de s’en prendre aux fleurs que cultivent aussi les Tucker. L’agricultrice a acheté des mantes religieuses pour s’en débarrasser, avec succès.
Cinq centimètres de pluie depuis le mois de juillet
Si l’Ouest américain est en situation de stress hydrique depuis plusieurs années, il faut remonter à 2012 pour trouver trace d’un épisode similaire dans le Midwest. «Je parlais à des fermiers plus âgés ce matin. Des septuagénaires, des octogénaires. Et ils disaient qu’ils n’avaient jamais rien vu de pareil. Donc c’est assez catastrophique», résume Marc Ramsey, dont la famille plante et récolte depuis près de 100 ans à Scott City, dans l’ouest du Kansas.
Le paysan n’a pas vu de précipitations significatives depuis la dernière semaine de juillet. «Cinq centimètres de pluie», dit-il, «c’est tout ce que nous avons eu cette année». «C’est ce qui est peut-être un peu différent des années 2010, 2011 et 2012», estime Rex Buchanan, de la Commission géologique du Kansas. «Il semble que quand la pluie s’arrête, elle s’arrête complètement.»
Retour à l’agriculture sèche
Dans le Midwest, outre le Kansas et le Nebraska, le Dakota du Sud a aussi été particulièrement touché. Ces trois États assurent, en temps ordinaire, un tiers de la production américaine de blé d’hiver et un quart du maïs, dont la récolte bat son plein actuellement.
Environ 30% des terres de Marc Ramsey sont irriguées. Ces parcelles ont fait mieux que le reste, comme le seul champ des Tucker qui en bénéficie. Mais certaines n’ont donné que 5 tonnes de maïs à l’hectare, alors qu’elles en produisent habituellement plus du double.
Dans certaines zones, «ils ont vraiment du mal. Ils ont vu des puits s’assécher. Il a fallu revenir à l’agriculture sèche», soit sans irrigation. Les droits de pompage sont strictement limités et, selon le géologue, par endroits, des fermiers se sont entendus sur une utilisation plus raisonnée des eaux souterraines, quitte à tirer 10% ou 20% de moins que permis.
Risque de suicide chez les exploitants agricoles
Marc Ramsey, comme les Tucker, est couvert par une assurance récolte qui indemnise les pertes exceptionnelles. Mais le fermier prévient néanmoins qu’un épisode comme celui de 2022 tend à augmenter les primes, qui étaient déjà en phase ascendante du fait de la hausse des cours des matières premières. L’indemnisation «couvre les coûts de production, donc on sera là l’an prochain, pour essayer de nouveau», dit-il. «Les années comme celle-ci, on s’inquiète pour le taux de suicide» chez les exploitants agricoles, confie Rachel Tucker. «J’espère que tout le monde va garder le moral et l’espoir pour l’an prochain.»