TémoignageAtteinte d’un cancer, une Genevoise espère un autre enfant après une greffe miracle
Maman d’une fillette de 4 ans, cette patiente s’est fait réimplanter du tissu ovarien alors qu’elle combat une tumeur agressive depuis 2014.
- par
- Evelyne Emeri
«Ce que disent les médecins, je m’en fiche un peu. Les pourcentages de succès, ça ne me parle pas vraiment. Je n’ai pas envie que ma fille soit une enfant unique. J’ai beaucoup souffert du décès de mon grand frère quand j’étais petite. C’est vrai, j’ai dû suspendre mon hormonothérapie. J’ai stoppé le Tamoxifène (ndlr. traitement adjuvant après une chirurgie, une radiothérapie ou une chimiothérapie), censé réduire une récidive de mon cancer du sein. Je n’ai pas peur. On meurt de tellement plein de trucs. Je ne suis pas tous les jours en train de prendre un risque. Au contraire, je vais peut-être avoir la chance d’être enceinte une seconde fois.»
Greffée en mars
Marie*, c’est ainsi qu’elle souhaite que nous la prénommions l’espace de son témoignage anonymisé. Cette Genevoise de 42 ans a accepté de nous rencontrer après une greffe miracle de tissu ovarien. L’opération – une première à Genève – s’est déroulée sans anicroches en mars dernier à la Clinique Générale-Beaulieu. Désormais, il faut attendre le résultat de l’acte chirurgical qui offre aux femmes, devenues prématurément stériles, la possibilité d’enfanter à nouveau. Elle sait bien que les statistiques oscillent autour des 30% de réussite. Elle veut faire mentir les chiffres. Elle veut montrer à d’autres femmes que l’on peut donner la vie, alors que la maladie cherche à vous la voler. Elle l’a déjà démontré.
Le crabe à 33 ans
Le 25 août 2014, elle est en France, au Pont du Gard. Tout juste si l’aqueduc ne s’écroule pas sur elle. «J’avais bien des douleurs au sein droit. J’ai reçu un appel qui m’annonçait le diagnostic: un cancer, très agressif.» Marie n’a que 33 ans et n’a pas encore d’enfants. «J’ai commencé par la chimiothérapie en septembre 2014. J’ai ensuite été opérée en février 2015 pour extraire la tumeur et la chaîne ganglionnaire (elle montre le dessous de son bras droit), puis la radiothérapie, l’immunothérapie et une ménopause artificielle que je n’ai pas supportée. Tout s’est précipité. Heureusement, des oncologues m’ont proposé de me prélever du cortex ovarien (ndlr. partie externe de l’ovaire) avant le début de ma chimio.»
Cette préservation ovarienne est congelée au CHUV. «Mes ovaires étaient très mauvais, médiocres.» Pourtant, un premier miracle survient. Un bébé conçu par insémination intra-utérine pointe le bout de son nez en décembre 2018. Une victoire pour Marie et son mari. «Durant deux ans et demi environ, entre 2017 et 2019, j’ai arrêté l’hormonothérapie, à mes risques et périls, pour avoir notre fille et pour pouvoir l’allaiter. La première insémination a fonctionné, c’était le 5 mars 2018. J’ai accouché par voie basse. Tout s’est bien passé. J’ai repris le Tamoxifène. Et retenté la ménopause artificielle, en vain, j’étais trop mal.»
Ovaires quasi morts
En juillet 2021, les médecins de Marie sont d’accord pour une nouvelle insémination. «À ce moment-là, mon couple vit quelques turbulences. Je ne peux pas non plus suivre et/ou arrêter mon traitement anti-récidive constamment. Il faut chaque fois attendre six mois pour que ça se stabilise.» En septembre 2022, avec son conjoint, ils décident de se lancer une deuxième fois. «Mes ovaires ne sont pas en pleine forme. Ils sont quasi morts et présentent une mini-activité. C’est là que l’on nous propose cette greffe de cortex ovarien. En mars dernier, deux chirurgiens genevois et un Fribourgeois m’ont réimplanté mon propre tissu transporté du CHUV à la Clinique Générale-Beaulieu.» La quadragénaire rentre à la maison trois jours plus tard avec des antibiotiques pour pallier toute infection et des médicaments anti-rejet.
Sa dernière chance
Cette greffe peut permettre à ses ovaires de reprendre des ovulations et donc de concevoir naturellement ou par fécondation in vitro. Selon l’âge de la patiente prématurément ménopausée, les chances de procréer à nouveau sont de l’ordre de 30%. «Le but est de les régénérer, de les faire revivre. À 42 ans, c’est ma dernière chance. Du coup, ils ont greffé l’entier du cortex prélevé en 2014. Chez une jeune femme, il n’en aurait greffé qu’une partie. Depuis l’opération, je me sens très bien. Je suis bien sûr en attente. Si d’ici cet automne, je ne suis pas enceinte naturellement, on refera une insémination.»
Et quid de son cancer et des risques parfaitement conscientisés que Marie prend? «Des nouvelles études prétendent qu’il n’y a pas forcément plus de risques en cessant l’hormonothérapie, prévue sur dix ans pour moi au vu de l’agressivité de la maladie. Avec toutes les suspensions de traitements, je compte quinze ans pour être en rémission. Je suis ultra-contrôlée. S’il devait y avoir une alerte, on réfléchira. Je suis sans traitement depuis février 2022… Le cancer, c’est quelque chose qui est en nous. Tous les jours, c’est là, du jour où on vous l’annonce.»
*Prénom d’emprunt