SénégalLe président Faye nomme Ousmane Sonko premier ministre
Ousmane Sonko, ancien chef de file de l’opposition, a été nommé mardi soir premier ministre du Sénégal par le nouveau président qui a prêté serment.
Le panafricaniste de gauche Bassirou Diomaye Faye a nommé mardi soir au poste de premier ministre la figure clé de son élection Ousmane Sonko, promettant «changement systémique», souveraineté et apaisement, en devenant le cinquième président du Sénégal, selon un décret présidentiel.
«M. Ousmane Sonko est nommé premier ministre», indique ce décret lu par le secrétaire général de la présidence de la République Oumar Samba Bâ sur la télévision publique (RTS).
«Je mesure l’importance de la confiance que [le président Faye] a placée en ma personne», a déclaré sur la RTS Ousmane Sonko, 49 ans, qui avait proposé la candidature de Bassirou Diomaye Faye après l’invalidation de la sienne. Il a annoncé la formation «dans les prochaines heures» d’un nouveau gouvernement.
Quelques heures auparavant, le nouveau président Faye, 44 ans, le verbe et l’allure assurés dans un costume-cravate bleu, avait prêté serment devant des centaines d’officiels sénégalais et plusieurs chefs d’État et dirigeants africains au Centre des expositions de la ville nouvelle de Diamniadio, près de Dakar.
Jeunesse
Puis il avait regagné la capitale, une garde à cheval ouvrant la voie à son cortège de voitures entre des centaines de Dakarois venus le saluer le long des axes menant aux grilles du palais présidentiel. Là, son prédécesseur Macky Sall, après de brèves et cordiales salutations, lui a remis symboliquement la clé du siège de la présidence avant d’en franchir les grilles en sens inverse.
Bassirou Diomaye Faye, jamais élu auparavant, devient le plus jeune président du pays ouest-africain depuis l’indépendance en 1960, moins de trois semaines après être sorti de prison.
Après trois années de tensions et une ultime crise préélectorale en 2024, son avènement accepté de tous à l’issue d’une campagne express «tient presque du miracle», a dit le président du Conseil constitutionnel Mamadou Badio Camara avant de recevoir son serment.
La main droite levée, Bassirou Diomaye Faye a juré, «devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal».
«Changement systémique»
Dans une brève allocution, Bassirou Diomaye Faye s’est dit «conscient» que sa large victoire dès le premier tour de la présidentielle du 24 mars exprimait «un profond désir de changement systémique». «Le Sénégal sous mon magistère sera un pays d’espérance, un pays apaisé avec une justice indépendante et une démocratie renforcée», a-t-il dit.
Bassirou Diomaye Faye succède pour cinq ans à Macky Sall, 62 ans, qui a dirigé le pays de 18 millions d’habitants pendant douze années et maintenu des relations fortes avec l’Occident et la France tout en diversifiant les partenariats. Les trois dernières années ont été marquées par des troubles, entraînant des dizaines de morts et des centaines d’arrestations.
La promesse de la rupture, l’onction du populaire Ousmane, présent aux premiers rangs mardi, et l’apparente humilité de cette personnalité issue d’un milieu modeste et éduqué l’ont conduit à une victoire éclatante avec 54,28% des voix.
Sortir du franc CFA
Bassirou Diomaye Faye, haut fonctionnaire de l’administration des impôts, qui a gravi discrètement les échelons dans l’ombre d’Ousmane Sonko, a énoncé la baisse du coût de la vie, la lutte contre la corruption et la réconciliation nationale comme ses priorités.
Le programme de Bassirou Diomaye Faye dit son intention de sortir du franc CFA, de renégocier ou reconsidérer les contrats passés avec des compagnies étrangères pour l’exploitation du pétrole et du gaz qui devrait commencer cette année, ainsi que les accords miniers et de pêche.
Bassirou Diomaye Faye, musulman pratiquant, marié à deux femmes présentes à son investiture et père de quatre enfants, incarne une nouvelle génération de politiciens.
Admirateur de l’ex-président américain Barack Obama et du héros sud-africain de la lutte anti-apartheid Nelson Mandela, il se dit panafricaniste «de gauche». Il veut œuvrer au retour, dans la Communauté des États ouest-africains Cedeao, du Burkina Faso, du Mali et du Niger, pays sahéliens confrontés au djihadisme et dirigés par des juntes qui ont rompu avec la France et se sont tournées vers la Russie. Les régimes putschistes du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée ont envoyé leurs représentants à Diamniadio, dont le président guinéen, le général Mamadi Doumbouya.
«Nouvelle ère»
Le chef du régime militaire burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré, a félicité Bassirou Diomaye Faye, «symbole d’une nouvelle ère pour une Afrique décomplexée, libre et souveraine». Il a dit sur X être prêt à œuvrer avec lui à «la rénovation de la coopération sous-régionale et internationale».
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a salué cette investiture, «témoignage du combat des Sénégalais pour le droit de voter», a dit son porte-parole Stéphane Dujarric.
Porté au pouvoir par le désir de changement, Bassirou Diomaye Faye est particulièrement attendu sur l’emploi, dans un pays où 75% de la population a moins de 35 ans et où le taux de chômage est officiellement de 20%, poussant des jeunes, de plus en plus nombreux, à fuir la pauvreté et à entreprendre un périlleux périple vers l’Europe.