Serbie«Par sécurité», les autorités interdisent la marche de l’Europride à Belgrade
Pour justifier sa décision, prise quatre jours avant la manifestation, le gouvernement évoque le risque de «conflits insensés dans les rues de Belgrade, qui rendraient plus difficile la position de notre pays».
Les autorités serbes ont officiellement interdit, mardi, la marche de l’Europride, un événement paneuropéen de la communauté LGBTQ prévu, samedi, à Belgrade. «La police serbe a interdit la marche de l’Europride cette année, en remettant une notification officielle aux organisateurs», a annoncé la Belgrade Pride, dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, promettant de lutter contre cette annulation. «Nous utiliserons tous les moyens légaux pour renverser cette décision.»
Le ministère serbe de l’Intérieur a confirmé, quelques instants plus tard, avoir interdit le défilé, ajoutant qu’une contre-manifestation visant la marche des fiertés serait également prohibée. «Des conflits insensés dans les rues de Belgrade rendraient plus difficile la position de notre pays, mettraient en danger la sécurité des participants à la marche, de même que celle des autres citoyens», a déclaré le ministre de l’Intérieur, Aleksandar Vulin.
Le Kosovo, l’énergie, l’alimentation comme prétextes
Les tensions s’accumulent dans le petit pays des Balkans, depuis que le président Aleksandar Vucic a annoncé, début septembre, qu’il réclamait l’annulation du défilé, suscitant la colère des représentants de la communauté LGBTQ. Le chef de l’État a mis en avant toute une série de raisons pour expliquer sa position, évoquant des tensions autour de l’ancienne province du Kosovo ou des inquiétudes sur l’énergie et l’alimentation.
Les organisateurs de l’Europride, une manifestation qui se tient successivement dans différentes capitales européennes, avaient condamné ces propos, déclarant que le gouvernement n’avait pas l’autorité pour annuler la marche. Goran Miletic, l’un des organisateurs, a déclaré que l’événement aurait lieu malgré l’interdiction. «Nous allons certainement nous rassembler et défiler comme prévu.»
Le mariage gay n’est pas légal en Serbie, et l’homophobie y est profondément enracinée, malgré les mesures prises au fil des années pour réduire les discriminations. Si la Première ministre, Ana Brnabic, est ouvertement lesbienne, sous la surface, l’homophobie est rampante. Se tenir la main en public reste tabou pour les couples de même sexe, tandis que près de 60%¨de la communauté LGBTQ dit avoir subi des abus physiques ou émotionnels, selon une étude publiée en 2020 par les ONG Ideas et Glic.
En 2001 et 2010, les marches des fiertés de Belgrade avaient été visées par des groupes d’extrême droite et des graves violences avaient éclaté. Depuis 2014, la Belgrade Pride se tient régulièrement, mais sous forte protection policière.
«Risques d’attaques et de conflits»
Le ministère de l’Intérieur a invoqué des raisons de sécurité pour justifier sa décision. «Les deux manifestations se seraient tenues tout près l’une de l’autre et nous avons estimé qu’il y avait un risque d’attaques et de conflits, de même qu’un risque de violences.»
L’annonce de l’interdiction de la marche des fiertés survient quelques jours après une manifestation gigantesque qui a rassemblé, à Belgrade, des milliers de personnes, gangs de motards, prêtres orthodoxes et nationalistes d’extrême droite exigeant une telle mesure.