Bande dessinéeSpirou a inspiré de jeunes résistants face aux nazis
Le personnage et ses valeurs ont motivé des enfants belges à s’opposer aux occupants et certains en sont morts. Leur histoire est racontée dans une nouvelle série.
- par
- Michel Pralong
S’il y a un personnage de BD qui se frotte de plus en plus à l’occupant nazi, c’est bien Spirou. On l’a vu notamment dans la magnifique série d’Émile Bravo, «L’espoir malgré tout» ou dans «Le groom vert-de-gris» de Schwartz et Yann. C’est assez normal, puisque le héros a traversé la guerre, son journal ayant même été interdit pendant l’occupation.
Cette nouvelle série n’est pas une nouvelle vision de plus du personnage, ni la suite de ses aventures. Elle concerne ses lecteurs et s’inspire d’une histoire vraie. Le premier rédacteur en chef du «Journal de Spirou» en 1938 s’appelle Jean Doisy. Chaque semaine, il répond au courrier des lecteurs sous le pseudonyme du Fureteur et est extrêmement proche du Club des Amis de Spirou qu’il a créé et qui connaît un phénoménal succès à l’époque. Ils sont 17 000 à en faire partie en 1941, avec des signes de reconnaissance, des langages secrets et un code d’honneur que Doisy, antifasciste et résistant, leur a inculqué.
En 1943, la publication du journal est suspendue. Et plusieurs de ces enfants nourris au club des Amis de Spirou aideront ou entreront en Résistance. Deux au moins y trouveront la mort et, en décembre 1944, Jean Doisy leur rendra hommage dans «Le Moustique». C’est cela qui a inspiré le scénariste Jean-David Morvan qui signe le premier tome des «Amis de Spirou». L’histoire est une fiction basée sur ces faits réels et est extrêmement touchante.
Histoire dure, dessin doux
Au dessin, on retrouve David Evrard, dont le graphisme semble plutôt destiné à des récits jeunesse. Cela tombe bien, c’en est un. Mais cela n’enlève rien à la force de l’histoire, ni à sa tragédie. D’ailleurs, le duo a déjà brillamment prouvé qu’on pouvait raconter l’innommable avec ce type de dessin. Morvan et Evrard ont effet signé la série «Irena» (Glénat), extraordinaire, qui raconte la vie d’Irena Sendlerowa, qui sauva des milliers d’enfants du ghetto de Varsovie. Puis ils ont entrepris «Simone», toujours aux éditions Glénat, qui raconte l’histoire d’une résistante torturée par Klaus Barbie à Lyon.
Le prix des Collèges que ce dernier album a reçu montre que l’on peut s’adresser à tous les publics avec des histoires pourtant terribles. Jean-David Morvan se fait presque une spécialité de la Résistance parce que, pour un public pour adulte et avec Bertail, il a entamé la remarquable série «Madeleine, résistante», racontant la vie de Madeleine Riffaud.
Rien de plus logique donc qu’il soit touché par la résistance des amis de Spirou, la BD rejoignant l’histoire dans ses moments les plus tragiques. Et c’est toujours bon à rappeler aujourd’hui.