FranceLa fille de l’acquitté d’Outreau revient sur ses accusations
Celle qui disait que son père l’avait agressée sexuellement a avoué lors du procès de ce dernier qu’il ne s’était rien passé.
La fille de Franck Lavier, acquitté d’Outreau, qui accusait son père d’agressions sexuelles quand elle était mineure, est revenue vendredi sur ses accusations à la barre du Tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer.
«Il ne s’est rien passé de ce que j’ai dit à ma déposition», a déclaré, après presque trois heures d’audition, la jeune femme de 24 ans, qui accusait son père de l’avoir agressée sexuellement entre 2015 et 2016.
Parfois en pleurs, souvent mutique, la mère de quatre enfants est apparue déchirée à l’audience entre ses lourdes accusations et une volonté manifeste de ne pas accabler son père. Dès l’ouverture du procès, où Franck Lavier, 45 ans, risque jusqu’à sept ans de prison, cette brune aux cheveux mi-long, vêtue d’une veste en cuir, avait renoncé à se porter partie civile. Le prévenu avait de nouveau affirmé qu’il n’avait «rien à (se) reprocher».
L’affaire remonte à 2016 quand sa fille, alors âgée de 16 ans, confie un courrier à la CPE de son lycée, intitulé «Terrible enfance», dans lequel elle évoque «un truc grave». Le parquet est saisi. En audition, elle assure avoir été victime d’attouchements de la part de son père depuis début 2015.
«Je me sentais mal dans ma peau»,
«C’est compliqué de dénoncer une personne que l’on aime, surtout si c’est la personne qui nous a conçu», écrit-elle dans cette lettre à l’encre bleue. «Si je venais à dénoncer mon père, il partirait en prison.»
Pourquoi a-t-elle rédigé ce courrier? «Parce je me sentais mal dans ma peau», répond-elle à la barre. Quelles sont les «choses graves» évoquées? «Je ne sais plus.»
Le président évoque également une conversation avec une amie, à qui elle raconte que son père se rend dans sa chambre tous les week-ends depuis un an et demi, allant jusqu’à évoquer un «viol». «C’est faux», admet la jeune femme.
«On m’appelait l’Affaire Outreau»
À la barre, elle semble impressionnée et raconte une vie «compliquée», marquée par son placement à même pas deux ans, quand ses parents sont injustement emportés par l’affaire Outreau. Elle ne les retrouvera qu’à l’âge de six ans. Le harcèlement à l’école, ensuite: «On m’appelait l’Affaire Outreau.»
Face à ses silences, à ses pleurs et à ses trous de mémoire, le président ose une question: «Est-ce que les faits se sont passés, ont pu se passer, ou ne se sont jamais passés?» Elle demande une suspension d’audience. À son retour, le président réitère sa question, insiste sur les conséquences de sa réponse. Elle avoue: «Il s’est rien passé de ce que j’ai dit à ma déposition.»
«Il n’est jamais venu dans votre chambre le soir? - Non. - Il ne vous a jamais léché le sexe?- Non. - Il ne vous a jamais mis un doigt dans votre sexe?- Non.»
Elle maintient, cependant, que son père lui a «peloté» la poitrine. Mais «c’était un jeu. En passant, «pouet pouet», dit-elle.
Le frère remercie sa sœur d’avoir avoué
«Un jeu que je qualifierai de beauf», commente ensuite son frère, auditionné après elle, mais dont il n’a «pas souvenir.» Lui aussi se présente comme une victime collatérale de l’affaire Outreau: placé très jeune, brutalisé au lycée, «réputation de violeur».
Lui aussi a subi, comme sa sœur, la maltraitance de ses parents, Franck et Sandrine, condamnés en 2012 à dix et huit mois de prison avec sursis pour ces faits. Le jeune homme, qui n’a pas assisté au début du procès, apprend lors de son audition que sa sœur, avec qui les liens sont rompus depuis ses accusations, est revenue sur ses propos. «Je ne savais pas si elle aurait le courage de démentir» ses propos, «je la remercie», réagit-il.
«J’avais peur des conséquences»
Quand le président demande à la fille pourquoi elle a menti, elle répond: «J’avais peur des conséquences pour fausses déclarations.» Sur le banc des prévenus son père, en chemise blanche, jean gris et fines lunettes, l’observe dans le calme.
Le parquet avait ouvert une enquête rapidement après le signalement des faits et ordonné le placement provisoire de l’adolescente. Franck Lavier avait été placé sous contrôle judiciaire.