Formule 1 - Un Grand Prix? Non, une farce!

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Formule 1Un Grand Prix? Non, une farce!

Le classement du Grand Prix de Belgique a été finalisé après un seul tour, roulé derrière la voiture de sécurité. Lewis Hamilton qualifie les événements de «farce». La F1 va maintenant étudier comment éviter qu’un tel désastre se reproduise.

Luc Domenjoz
par
Luc Domenjoz

Conditions trop difficiles

Il pleuvait fort sur le circuit de Spa-Francorchamps. Ce n’est pas la première fois (c’était peut-être même pire sur ce même circuit en 1998), mais ces dernières années, la Formule 1 prend la sécurité des pilotes bien plus au sérieux qu’auparavant.

Lors de cette fameuse édition 1998, d’ailleurs, un carambolage monstre, juste après le départ, avait impliqué douze monoplaces dans la descente de l’Eau Rouge.

De nos jours, un tel spectacle ne serait plus acceptable. Les dirigeants de la Formule 1 doivent avant tout veiller à la sécurité des pilotes, d’autant que les pneus produits par Pirelli ne sont pas étudiés pour les situations de «pluie extrême» - le manufacturier italien juge que ce serait inutile, puisque la direction de course ne laisse plus les monoplaces rouler en cas de pluies trop violentes.

Avec ces pneus limités, les pilotes ont tous plus ou moins pensé qu’il était impossible de courir à Spa - sauf Max Verstappen qui, qualifié en pole-position, n’était pas gêné par les pilotes devant lui.

Finalement, après trois heures d’attente, la direction de course a décidé de faire rouler les monoplaces derrière la voiture de sécurité l’espace de trois tours, afin que la course soit validée et considérée comme « ayant eu lieu » par le règlement.

La voiture de sécurité a été le véhicule au centre de toutes les attentions dimanche.

La voiture de sécurité a été le véhicule au centre de toutes les attentions dimanche.

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Tout a été envisagé

Plusieurs options ont été étudiées pendant l’interruption de trois heures au cours de laquelle les pilotes ont essayé de rester au chaud.

Mais la tenue de la course le lundi - comme cela se pratique aux 500 Miles d’Indianapolis - n’a pas été retenue: «Nous y avons pensé, mais c’était vraiment impossible», assure Stefano Domenicali, le patron de Liberty Media, le détenteur des droits commerciaux de la F1. «Impossible pour des raisons de disponibilité des commissaires, et pour beaucoup d’autres raisons.»

Entre autres, tout le paddock doit se déplacer en Hollande entre ce lundi et mardi, pour disputer le prochain Grand Prix à Zandvoort, dans la banlieue d’Amsterdam, la semaine prochaine.

Hamilton veut qu’on rembourse les spectateurs

Lewis Hamilton, classé troisième, est monté sur le podium. Lui aussi jugeait la situation trop dangereuse pour qu’une course puisse avoir lieu, mais il n’était pas satisfait du tout de sa journée: «C’était une farce. Tout le monde a eu son argent puisque la course a eu lieu, sauf les spectateurs présents autour du circuit. Eux, ils avaient payé leurs billets très cher pour nous voir courir. Mais nous faire tourner deux tours derrière la voiture de sécurité, ce n’est pas une course, ce n’est que pour une histoire d’argent. Donc tout le monde va être payé, et je pense qu’il faudrait rembourser les spectateurs, parce qu’ils n’ont pas vu la course qu’ils avaient payé pour voir. C’est vraiment dommage que nous n’ayons pas pu courir le lendemain.»

Stefano Domenicali, de son côté, a laissé entendre qu’il était prêt à discuter avec les organisateurs pour dédommager les spectateurs: «Nous allons en discuter avec eux. Ce n’est pas nous qui vendons les billets, c’est eux. Mais il faut faire quelque chose, un geste doit être accordé pour montrer aux spectateurs que nous les considérons.»

La moitié des points

Ainsi que le prévoit l’article 6.5 du règlement sportif, seule la moitié des points est distribuée dans le cas où le leader de la course couvre «plus de deux tours, mais moins de 75% de la distance prévue».

A Spa, le directeur de course, Michael Masi, a donc fait rouler les monoplaces pendant trois tours derrière la voiture de sécurité pour que la course soit considérée comme un Grand Prix validé.

Le vainqueur, Max Verstappen, marque ainsi 12,5 points au lieu de 25, tandis que George Russell en marque 9 et Lewis Hamilton 7,5.

Mais il a fallu beaucoup réfléchir avant de distribuer ces points! L’alinéa 14 de l’article 51 du règlement sportif de la F1, que le directeur de course avait peut-être oublié, précise en effet que «si une course ne peut pas repartir après une interruption, le classement sera celui de l’antépénultième tour avant l’interruption».

Il fallait donc retrancher deux tours du classement initial, pris au troisième tour. Donc, le classement final a été fixé après UN seul tour. Du coup, la distance minimale n’avait pas été couverte, puisque les points ne sont marqués que si le leader couvre «plus de deux tours»!

Michael Masi s’en est sorti par une nouvelle pirouette (il en avait déjà utilisé une pour bloquer le chronomètre, afin de prolonger les trois heures de course maximales prévues par l’article 6,5).

L’Australien a déclaré que le règlement concernant les points mentionnait juste que le leader «devait avoir couvert plus de deux tours» pour que la moitié des points soient donné, et que ce fait n’était pas lié au classement, qui, lui, ne comporte qu’un seul tour… À Spa, on n’en était visiblement plus à une pirouette près.

Le plus court de l’histoire

Avec un seul tour, le Grand Prix de Belgique 2021 aura donc été le plus court de l’histoire, loin devant les 14 tours du Grand Prix d’Australie 1991, lui aussi été interrompu à cause de pluies torrentielles sur Adélaïde.

Au fil des 72 saisons de F1, les Grands Prix ont été raccourcis à cinq reprises à cause de la pluie: Autriche 1975, Monaco 1984, Australie 1991, Malaisie 2009 et, donc, Belgique 2021.

Éviter une répétition du désastre

Dans le paddock, personne n’était satisfait après le simulacre de Grand Prix de dimanche. Les directeurs d’écurie, tout comme Stefano Domenicali, sont d’accord sur un point: il faut éviter qu’un tel désastre ne se répète.

Car avec la tendance à la sécurité accrue de ces dernières années, il est possible que les mêmes conditions se reproduisent. Il semble que Stefano Domenicali ait déjà entamé des discussions avec les écuries pour tenter de changer le règlement, afin d’éviter qu’une situation identique se reproduise.

Zak Brown, le patron de l’écurie McLaren, veut lui aussi des changements: «Le règlement affirme que si on couvre quelques tours, on peut appeler ça une course. Je pense qu’il faut repenser tout ça. Personne ne va affirmer qu’il aurait été possible de courir ici en toute sécurité, mais notre sport doit trouver une meilleure solution pour gérer ce genre de situations. Une course ne doit pas être un défilé de trois tours derrière la voiture de sécurité. Nous devons tirer les leçons de ce qui s’est passé pour nous assurer qu’il y ait réellement une course. Soit le lendemain, soit une autre fois. J’espère que ça ne se passera plus jamais comme ça.»

Michael Masi a laissé entendre que les choses allaient en effet bouger: «Je pense qu’après un tel week-end, nous allons considérer de nombreuses options pour traiter ce genre de cas. Nous le ferons sans doute cet hiver, pendant notre réunion annuelle. Nous devons travailler tous ensemble, avec les écuries et les détenteurs des droits commerciaux, pour entendre toutes les possibilités et modifier le règlement.»

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