SuisseProcès d’un ancien ministre gambien qui risque la prison à vie
Ousman Sonko comparaît devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone pour crimes contre l’humanité sous l’ère de l’ancien dictateur Yahya Jammeh.
Le procès d’Ousman Sonko, un ancien ministre gambien jugé pour crimes contre l’humanité sous l’ère de l’ancien dictateur Yahya Jammeh s’est ouvert lundi au Tribunal pénal fédéral à Bellinzone. Il risque la prison à vie.
L’ancien ministre de l’Intérieur, qui conteste les charges retenues contre lui, est notamment accusé d’avoir été impliqué en 2006 dans des tortures infligées à des membres de l’armée, des journalistes et des politiciens, considérés comme des opposants fomentant un coup d’Etat.
«Il a tué mon mari»
Parmi les parties civiles, Ramzia Diab, ex-membre de l’Assemblée nationale en Gambie, se dit «choquée d’entendre l’avocat de la défense dire que Sonko n’accepte pas que Yahya Jammeh ait été un dictateur». «J’en ai mal au ventre. Je suis vraiment bouleversée», a-t-elle dit, au bord des larmes. «Cela me fait revivre toutes mes émotions ! Parce que j’étais là, j’ai été torturée, j’ai subi des agressions sexuelles, tout cela nous est bien arrivé».
Fatou Camara, ancienne opposante, est également au procès. «Il a tué mon mari. Je n’ai même pas vu la dépouille de mon mari. Je ne sais pas où il a été enterré!», a-t-elle dit aux journalistes, avec des larmes de colère.
Plus haut responsable politique jamais jugé en Europe
La procédure contre Sonko, détenu depuis 7 ans en Suisse et qui aura 55 ans mardi, est rendue possible car la Suisse se reconnaît depuis 2011 le droit de juger les crimes les plus graves s’étant déroulés à l’étranger à condition que leur auteur se trouve sur son sol. Le procès doit durer un mois, et le verdict n’est pas attendu avant mars.
C’est la première fois en Suisse que la notion de crime contre l’humanité – des crimes commis dans le cadre d’une attaque de grande ampleur visant des civils – est abordée en première instance. Sonko est «également le plus haut responsable politique jamais jugé en Europe pour des crimes internationaux, en vertu de la compétence universelle», explique Leslie Haskell, présidente de Trial International, l’ONG à l’origine de la procédure.
Sonko demande 800’000 francs d’indemnités
La Gambie, petit pays d’Afrique de l’Ouest et ex-colonie britannique, a été dirigée d’une main de fer pendant 22 ans par Yahya Jammeh qui vit en exil en Guinée équatoriale après avoir perdu l’élection présidentielle de décembre 2016. Ousman Sonko a été arrêté le 26 janvier 2017 en Suisse où il avait demandé l’asile après avoir été démis de ses fonctions ministérielles en septembre 2016.
Sonko doit répondre d’accusations s’étendant sur une période allant de 2000 à 2016. Il est accusé par le Ministère public de la Confédération (MPC) «d’avoir, en ses qualités et fonctions, soutenu, participé et de ne pas s’être opposé, aux attaques systématiques et généralisées menées dans le cadre de répressions par les forces de sécurité gambiennes contre tout opposant au régime du président Yahya Jammeh» (1994-fin 2016).
Son avocat, Philippe Currat, a demandé lundi à la cour «le classement de la procédure concernant les faits décrits dans l’acte d’accusation qui auraient eu lieu avant le 1er janvier 2011», date depuis laquelle les crimes contre l’humanité sont inscrits dans le droit suisse. Sonko, qui conteste les accusations, demande des indemnités et réparations pour le tort moral lié à sa détention en Suisse d’environ 800’000 francs.